En Cappadoce les prouesses architecturales de la nature conjuguées
avec celles des hommes n’en finissent plus de fasciner les visiteurs. Les cheminées
de fées et les refuges souterrains ou troglodytes des premiers chrétiens persécutés
sont plus attractifs que les traces d’occupations paléolithique et néolithique (ateliers
de taille d’obsidienne de Kaletepe et
premières sédentarisations d’Aşıklı Höyük ou de Tepecik Çiftlik).
Pour compléter notre courte escapade, nous choisissons cependant
de nous éloigner du triangle trop fréquenté délimité par Avanos, Ürgüp, et
Uçhisar pour aller explorer les alentours de Gülşehir qui semblent eux aussi un
peu oubliés. On y rencontre plus de tortues que de touristes!
Depuis le village de Çat, une belle vallée verdoyante est
à découvrir.
Si les formations rocheuses sont moins spectaculaires,
les habitations troglodytes moins nombreuses que dans d’autres vallées de la
région, elle est cependant réputée pour ses milliers de pigeonniers creusés
dans le tuf des cônes ou à flanc de falaise, dont l’entrée de certains est encore
décorée de motifs peints ou de badigeon blanc.
Ce traditionnel élevage remonterait à la période romaine.
La fiente des volatiles servait à fertiliser les vignobles. Elle procurait respectabilité
et richesse aux possesseurs de pigeonniers il y a encore quelques décennies, avant
l’arrivée des engrais chimiques.
Les vignes sont toujours là mais il n’y a plus aucun pigeon.
Une réhabilitation est en voie d’être initiée parait-il, motivée par le projet de cultures biologiques.
La vallée de Çat rejoint une autre vallée, Fırınasma Vadisi, qui débouche sur une
autre curiosité : Açık Saray que
l’on peut traduire par Palais à ciel ouvert.
Il faut compter au moins 3h de marche dans les sentiers,
certes bucoliques, mais il faudrait envisager aussi le retour vers la voiture
garée à Çat. Rien ne nous garantit que le chemin soit balisé. Nous renonçons à
l’aventureuse balade et nous y rendons par la route en 15mn.
Malgré l’entrée gratuite, le pittoresque site est désert.
Là aussi les éléments naturels ont façonné d’étranges paysages dans le tuf
volcanique que des architectes habiles ont creusé et sculpté.
Aucun document n’atteste de l’aménagement, ni de
l’affectation des lieux. Ce n’est qu’à partir de la fin du 19e
siècle que quelques recherches ont été entreprises. On pensait alors qu’Açık Saray, complexe datant probablement des 10e et 11e
siècles, était une sorte de réplique tardive des ensembles monastiques que l’on
peut voir dans le Parc National de Göreme.
Une étude plus détaillée des vestiges a permis d’avancer
d’autres hypothèses.
L’absence de grands réfectoires et la taille modeste des
églises fait davantage penser à une occupation civile de notables qu'à celle de moines et villageois.
La présence de cuisines, de pressoirs, de grandes salles de réception, de salons, de chambres spacieuses et d’impressionnantes écuries, semble attester du passage d’invités prestigieux que l’on devait accueillir dignement.
La présence de cuisines, de pressoirs, de grandes salles de réception, de salons, de chambres spacieuses et d’impressionnantes écuries, semble attester du passage d’invités prestigieux que l’on devait accueillir dignement.
Il n’est pas impossible qu’on y ait logé des hauts gradés
de l’armée byzantine luttant contre les
envahisseurs arabes.
L’existence d’un haras n’est pas exclue. Après tout la
Cappadoce se nommait au 6e siècle avant notre ère "Katpatuka",
qui signifierait en assyrien ou en ancien persan, le pays des beaux chevaux (étymologie
parfois contestée). Açık Saray n’en conserve pas moins les traces d’importantes
installations destinées sinon à l’élevage, au moins à les abriter.
Quelques labyrinthes attendent notre visite. Neuf espaces
ont été répertoriés et sont documentés par des panneaux explicatifs reproduisant
le plan et les caractéristiques de chacun… de quoi étayer un peu l’imagination.
Une constante, une formation rocheuse en demi-cercle,
creusée sur un ou plusieurs niveaux, délimite une sorte de cour d’accès.
Les façades encore debout portent les traces de décors
sculptés.
A l’intérieur, les vestiges de colonnes, de voûtes, de
niches, de signes religieux, ont permis d’identifier partiellement la fonction des
différents aménagements.
L’endroit recèle encore cependant une grande part de mystères
qui contribue à son charme.
Avant de quitter les lieux ne manquons pas de mentionner
la formation rocheuse, unique en son genre dans toute la Cappadoce, et qui,
d’après le gardien, vaut bien à elle seule la visite du site : Mantar Kaya, le fameux rocher champignon !
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