Le village de Cumalıkızık figure depuis 2014 sur la liste
du patrimoine mondial l’Unesco en tant qu’un des éléments illustrant la
naissance de l’empire ottoman au début du 14e siècle, autour de sa
première capitale Bursa (de 1326 à 1366).
Il révèle la volonté des premiers sultans de la dynastie de
planifier un système économique et social visant à un développement urbain rapide,
en y associant les zones rurales comme bien d’utilité publique (vakıf). Certains villages devaient
contribuer au financement du fonctionnement d’un külliye, ensemble architectural urbain aux fonctions sociales,
culturelles, commerciales, religieuses et éducatives. Cumalıkızık était ainsi
associé au complexe d’Orhan Ghazi, le premier construit à Bursa, dont il ne
reste maintenant que la mosquée, l’auberge des marchands, Emir han (reconverti
en marché), un hammam (reconverti également en marché, Aynalı çarşı) et le
mausolée du sultan. La medrese (école) et l’imaret (cuisine publique) ont
disparues.
Situé à une dizaine de kilomètres à l’est de Bursa, au
pied de la montagne, Cumalıkızık, n’était pas le seul village inclus dans ce
système, mais il présente aujourd’hui encore une structure architecturale bien conservée.
Pas moins de 280 maisons dont plus de la moitié sont encore habitées.
Nous avons donc arpenté les ruelles pavées avec rigole centrale pour l'écoulement des eaux, posé les yeux sur ces façades séculaires souvent bien colorées
d’indigo, safran ou turquoise.
D’autres, plus ou moins décrépies laissent voir
les éléments de construction, charpente et pisé, surmontant les soubassements
de pierres.
Certaines fenêtres ont retrouvé leur moucharabieh en usage à
l’époque.
En bonne place la coopérative de développement agricole témoigne
de la vocation initiale du village.
On était prévenu qu’il fallait éviter les fins de semaine
et les périodes de congés pour ne pas se retrouver dans la cohue touristique.
Alors ce jeudi de février aurait dû convenir pour apprécier l’escapade dans un espace sans circulation! (Parking en dehors du village)
Mais l’enthousiasme ne fut pas au rendez-vous. Atmosphère
trop dénaturée, trop surfaite, trop racoleuse, il manque ici la sérénité
ressentie dans d’autres villages, certes moins renommés, comme Yörük Köyu (près
de Safranbolu), Ormana (à proximité d’Antalya), ou Kargı (près de Fethiye)… et
sans doute bien d’autres.
Victime de son accessibilité (15mn de Bursa, 2h
d’Istanbul), se raccrochant au passé comme fond de commerce, Cumalıkızık donne
l’impression que ses habitants ne s’activent que dans cette seule perspective.
On ne perçoit pas leur plaisir de vivre dans ce village préservé, ni aucune
fierté, mais une vague lassitude.
La popularité des lieux ne semble pas avoir comblé leurs
espoirs. Il faut dire que la concurrence est rude. La plupart des maisons
proposent uniformément petits déjeuners campagnards et gözleme
(sorte de crêpes).
Les échoppes de souvenirs et diverses productions locales
sont nombreuses. Mais la quantité semble bien prendre le pas sur la qualité.
Je
me suis quand même laissée tenter par une fabrication artisanale de tarhana aux orties. On verra si cette
préparation déshydratée à base de yaourt, dont on fait une soupe en rajoutant
de l’eau, tient les promesses de la villageoise qui prétend l’avoir
confectionnée.
L’habitat est très concentré et ne nécessite donc pas une
longue marche.
Pour se dégourdir les jambes et profiter plus longtemps du bon air
de la montagne toute proche on a pris un peu de hauteur en suivant le chemin à
la sortie du village. Sur les talus quelques violettes, une audacieuse
floraison jaune annoncent le printemps. Un gentil matou en ferme les yeux de
plaisir.
Le gargouillis d’un torrent a chatouillé nos oreilles et aiguisé
notre curiosité. Le découvrir environné d’une décharge et lui-même bien
encombré de déchets en plastique fut la déception de trop sans doute… Le
navrant spectacle se passe d’illustration.
Vous l’aurez compris, je n'ai pas trouvé cette visite inintéressante, mais pas vraiment incontournable.
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