Je connaissais
vaguement son existence et je suis passée devant le porche des centaines de
fois… La rue de Picpus est dans mon quartier. Mais bien souvent, quand on part à
la découverte d’un lieu inconnu, on se croit obligé d’aller plus loin, comme
si c’était la rançon de la nouveauté. Et puis un après-midi, sans l’avoir programmé,
j’en ai franchi l’entrée.
Les visiteurs ne se bousculent pas. Pour actionner l’ouverture
du portail métallique badigeonné de bleu au fond la cour, à gauche de la
chapelle et à droite du pavillon Louis XIII, vestige du couvent construit en 1640, le gardien demande 3€. Autre vestige de cette époque, le puits trônant au milieu de la cour.
Une allée bordée
d’arbres traverse un long rectangle de gazon et conduit au cimetière, enclos derrière
ses murs. Tout au fond, un témoignage de jours sanglants de la Révolution.
Près de la place de la Nation, en ce temps là nommée place du Trône et rebaptisée par les révolutionnaires
place du Trône-Renversé, sur la petite place où se dresse l’une des deux colonnes
édifiées quelques années plus tôt (en 1785), côté boulevard de Picpus, la guillotine
installée d’abord place de la Révolution (place Louis XV de 1748 à 1792 et actuelle
place de la Concorde) pour l’exécution, entre autres, de Louis XVI et
Marie-Antoinette, fut transportée en ces lieux pour continuer d’y remplir son
office macabre entre le 14 juin et le 27 Juillet 1794. En six semaines, furent
guillotinés 1 109 hommes (dont 108 gens d’église, 108 ex-nobles, 178 gens
d’épée, 136 de robe et 579 du peuple) et 197 femmes (23 religieuses, 51
ex-nobles et 123 du peuple). Leurs noms et professions sont gravés sur des plaques que l’on
peut voir dans la chapelle.
C’est sur le
terrain d’un couvent confisqué et mis en location, 35 rue de Picpus, que les
corps furent entassés dans deux fosses communes creusées à la hâte sans en
aviser le nouveau locataire. Ce dernier en avait prestement reconverti les bâtiments
en maison de repos, activité très lucrative puisque c’était surtout des membres
de la noblesse qui s’y réfugiaient dans l’attente de jours meilleurs. On
imagine sa contrariété et celle de ses pensionnaires quand un mur au fond du
jardin fut défoncé pour faire passer le plus discrètement possible les
sinistres charrettes. L’ouverture sera ensuite murée et masquée par une porte en
bois.
Dans la grotte
chapelle aujourd’hui disparue, les fossoyeurs triaient les affaires des morts
avant de les jeter dans la fosse. Ne subsiste que la porte d’entrée.
Quelques années
plus tard les familles des suppliciés, revenus d’exil, en quête des traces de
leurs disparus, rachetèrent l’ancien domaine du couvent pour en faire un lieu commémoratif
sur l’initiative de la princesse de Hohenzollern-Sigmaringen, de Mme de Montagu
et Mme de La Fayette.
Précédant l’enclos fermé au public où se
situent les fosses matérialisées par du gravier, un cimetière privé abrite les sépultures de la descendance des guillotinés
ayant participé au rachat en souscription de la propriété, dont celle de l’illustre marquis
Gilbert Motier de La Fayette (1757-1834), auréolé de son glorieux passé américain
que concrétise le drapeau flottant au coin de la pierre tombale.
Sur d’autres
tombes et caveaux plus ou moins bien entretenus sont gravés les noms, écussons
et devises de nombreuses familles de l'aristocratie française.
On ne peut quitter les lieux sans méditer sur les dérives du pouvoir... Robespierre et sa folie meurtrière sont bien à l'origine de la terreur qu'il fit régner. Il était pourtant un partisan de l'abolition de la peine de mort!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire