Si l’étroite rive gauche au pied du rocher Harşena fut
choisie pour accueillir les constructions antiques c’était à l’évidence pour
des raisons stratégiques de sécurité. Elle sut séduire aussi les princes
ottomans pour les mêmes raisons sans doute mais ils ne dédaignèrent cependant
pas la rive droite pour leurs projets d’envergure.
Ainsi l’imposant complexe religieux du Sultan Beyazıd II (fils
de Mehmet le Conquérant) à proximité de la rive fut construit en 1485 sur
l’ordre de son fils Ahmet, alors gouverneur de la province d’Amasya. L’édifice
a été réalisé en blocs de marbre blanc taillés.
La partie supérieure du portail est
finement sculptée de stalactites et ses deux côtés sont encadrés de cylindres
mobiles de porphyre vert… (comme d’autres portails de mosquées d’Istanbul…)
Dans le paisible jardin, deux platanes datant de la
construction encadrent la fontaine d’ablution à la structure de bois et toit conique.
L’imaret (soupe
populaire) accueille aujourd’hui la maquette de la ville tandis que la medrese fait office de bibliothèque et
musée des civilisations.
Un peu plus haut, le marché couvert d’Amasya construit en
1483 a
été plusieurs fois consolidé et remanié.
L’espace était déjà cependant bien occupé par des
édifices de l’époque médiévale*, qui ne fut pourtant pas une période des plus
tranquilles.
La ville moderne qui s’est développée sur la rive droite a
conservé, malgré tout, quelques exemples d’architecture seldjoukide, certes
modestes comparés à ceux de Konya, leur capitale.
La mosquée au minaret torsadé, située juste derrière le
caravansérail Taşhan, a été construite vers 1240 ainsi que le türbe au toit caractéristique qui
recelait des momies actuellement transférées au musée archéologique. Le minaret
d’origine, en bois, a été remplacé par un minaret en pierre aux larges
cannelures en torsades après l’incendie de 1602.
L’ensemble mosquée, Gök medrese et türbe de
Seyfeddin Torumtay, gouverneur du sultan Gıyaseddin Keyhüsrev III, fut
construit entre 1266 et 1276.
Sur la partie haute de la medrese en forme de tambour octogonal surmonté d’un toit pyramidal subsistent
quelques décors de briques vernissées.
Les murs épais du türbe portent encore quelques frises
sculptées de palmettes et décors rumi
caractéristiques.
Le complexe est plutôt délabré et l’intérieur de la mosquée
aurait bien besoin d’une restauration…
Patrimoine privé sans doute, les
descendants Torumtay n’ont certainement pas les moyens de l’entreprendre et les
subventions se font attendre. Dommage. Le contraste est d’autant plus
saisissant que la ville a fait l’objet d’ambitieuses revalorisations de son
patrimoine et que beaucoup d’autres édifices religieux et constructions civiles
en ont bénéficié, dont l’hôpital psychiatrique déjà cité.
Autre curiosité, les vestiges d’un canal romain creusé
dans la roche à la fin du 1er siècle av. JC (situé à la sortie de la
ville, parallèle à la route en direction d’Ankara) ont pris des allures de parc
d’attraction, avec musée dédié aux amoureux.
Les croyances populaires relient depuis longtemps la légendaire
histoire d’amour de Ferhat et Şirin à
cette construction et à l’histoire d’Amasya.
C’est une adaptation locale d’une des épopées de la Perse antique consignée par Firdoussi
(940-1020) dans le Livre des rois (Shâh
Nâmeh) et reprise dans des écrits du poète persan Nizami (1141 – 1209), « Khosrow et Chirine » qui conte
la vie et les amours du roi sassanide Khosrow II et de la princesse chrétienne
Chirine, et « Leïla et Madjnoun »
inspiré d'une vieille légende qui remonterait aux Perses achéménides (du 6e
au 4e siècle av. JC) narrant l'histoire d'une passion amoureuse
mutuelle au dénouement tragique.
Voici en résumé la version d’Amasya :
Un certain Ferhat, artiste peintre et la princesse Şirin tombèrent
amoureux. On demanda à Ferhat l’insurmontable tâche de creuser seul un canal
conduisant l’eau de la montagne vers la ville avant de lui accorder la main de
la belle. Les années passant et voyant qu’il arrivait à relever le défi, les
intrigants lui firent annoncer par sa nourrice la fausse nouvelle de la mort de
la princesse Şirin. De douleur Ferhat lança son outil en l’air pour qu’il
retombe sur sa tête et le tue. Apprenant la mort de Ferhat, Şirin se jeta du
haut des rochers.
Sur leur tombe, un rosier rouge et un rosier blanc
fleurissent, sans pouvoir se rejoindre, séparés par les épines du Paliurus
spina-christi…
Cette légende est aussi le sujet d’une pièce de théâtre
de Nazim Hikmet (1902-1963) « Ferhad
et Şirin » (1955)
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*Pour rappel : 1e période des beylicats
turcs Danichmendides (1071-1178), puis domination de la région d’Amasya par le
sultanat seldjoukide de Roum (1170-1307).
2e période des beylicats turcs Eretnides
(1328-1381) après le déclin du sultanat de Roum provoqué par l’invasion mongole
au milieu du 13e siècle plaçant une grande partie de l’Anatolie sous
la tutelle des Ilkhanides.
En 1392, l’Ottoman Beyazit 1er
conquiert Amasya. Son fils Mehmet 1er résiste
à la deuxième vague mongole de Tamerlan et conserve la ville dans l’empire.
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