lundi 28 janvier 2013

Hommage à Burhan Doğançay


Ayant découvert par hasard, en 2007, le musée privé Burhan Doğançay situé à Beyoğlu à proximité du « Tarlabaşı bulvarı », j’en avais fait un reportage publié dans le journal de La Passerelle No. 46 (Janvier - Février - Mars 2008) et proposé une visite pour les membres de l’association.


Extrait du reportage :
Si vous connaissez sans doute la renommée du peintre, saviez-vous qu’un musée privé présente quelques unes de ces œuvres en exposition permanente? En effet, après un séjour prolongé en France pour ses études et aux États-Unis pour raisons professionnelles d’abord, puis par choix personnel ensuite, Burhan Doğançay a voulu offrir à sa ville natale et à ses habitants, le fruit de ces longues années de créations artistiques. L’entrée du musée est gratuite !
Une exposition que lui a consacrée en novembre 2005 l’Institut français d’Istanbul, présentait neuf tapisseries d’Aubusson reproduisant les célèbres motifs de rubans colorés dessinés par le peintre. Vous pouvez justement en admirer l’une d’elles à l’entrée du musée. 
Pour voir les autres œuvres de  Burhan Doğançay, une rétrospective chronologique de 1940 à 1990, vous n’avez qu’à suivre l’aimable gardien, qui se fera un plaisir de vous guider dans les 3 étages de l’ancienne demeure restaurée qui abrite le musée depuis novembre 2004.
Plus de 150 œuvres, du figuratif des premières années, aux murs des villes où se lisent les témoignages des événements politiques, sociaux et économiques, ou simplement les traces du temps qui passe… jusqu’aux étonnants rubans multicolores jaillissant d’une fissure d’un plan coloré par ailleurs parfaitement lisse.
Né en 1929, il s’est assis dans la salle de « La Grande Chaumière » pour y pratiquer son art, comme les plus grands maîtres qui l’ont précédé en ce lieu mythique de Montparnasse, tout en préparant un doctorat d’économie.
Les murs de New York lui ont inspiré toute une série de tableaux qui ont trouvé leur place au musée Guggenheim. Il a voyagé dans 114 pays pour y photographier « les murs du monde » avant de réaliser en 1982 une exposition remarquée : « Les murs murmurent, ils crient, ils chantent » au Centre Georges Pompidou…


Visite réalisée au printemps 2008, le peintre et son épouse nous avaient fait l’honneur de nous y accueillir personnellement  et de l'enrichir de commentaires.
Quelques lignes sur cette matinée privilégiée et des photos en témoignent dans les pages du No 48 Juillet, Août, Septembre 2008, reproduites ici :

La visite commence par le troisième étage avec les toiles et aquarelles du père de l’artiste : Adil Doğançay et de quelques peintures figuratives de son fils dans les premières années. Puis on redescend les étages pour découvrir les différentes périodes créatives de Burhan Doğançay.  
Il se présente lui-même comme un pêcheur toujours en quête du gros poisson qu’il pourra prendre dans ses filets pour le cuisiner à sa façon et le restituer sur ses toiles. Attentif à ce qui l’entoure, il a pris le temps de s’arrêter, de photographier ce que les autres regardent sans voir.
Nous voyons un objet… lui s’attarde sur l’ombre de l’objet et la peint… elle devient plus présente que l’objet lui-même. Le pinceau de l’artiste exprime sa volonté de retenir le fugitif, les choses éphémères comme ces murs couverts de graffitis, d’affiches déchirées, qui seront nettoyés pour offrir leurs surfaces à d’autres témoignages que nous aurons à cœur de ne pas ignorer désormais…




La conversation en toute simplicité sur ses voyages, ses rencontres et ses projets, sur nos histoires et notre présence durable à Istanbul, s’était déroulée en français autour d’un thé et brioche offerts par nos hôtes, Angela et Burhan Doğançay. Ils nous avaient invités à revenir investir les lieux autant de fois que nous le souhaiterions. Ce que nous avons fait avec grand plaisir en y organisant quelques permanences de La Passerelle.


La disparition le 16 janvier de cet artiste que nous avions eu l’occasion de rencontrer est auréolée de tristesse.
En souvenir de ces instants partagés avec un homme généreux qui souhaitait avant tout que son musée soit un lieu convivial d’échanges, nous adressons au nom de l’association un hommage ému à sa mémoire et nos sincères condoléances à ses amis et sa famille.

Adresse : Musée & Café Delight, Balo Sokak No 42, 34335 Beyoğlu İstanbul. Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Fermé le lundi 

jeudi 24 janvier 2013

Incendie à Galatasaray


Avant-hier soir, le feu a ravagé, sans faire de victime, la toiture et le dernier étage d’un bâtiment historique de l’actuelle Université de Galatasaray à Ortaköy sur la rive européenne du Bosphore, symbole avec le lycée de Galatasaray à Beyoğlu de l’enseignement laïque francophone à Istanbul.


Les anciens diplômés du Lycée sont particulièrement attachés à cette bâtisse qui abritait dans les années 1960 leur école primaire où la plupart étaient internes. C’est dans ces lieux qu’une bonne partie de leur enfance s’est déroulée. Les souvenirs de cette période sont encore des sujets de prédilection quand ils se rencontrent, et les occasions ne manquent pas.

Ils ont assisté incrédules et impuissants à la destruction de leur ancien dortoir, de leurs salles de classes, ne quittant plus des yeux le journal télévisé le soir du 22 janvier qui diffusait en boucle les images des flammes attisées par de violentes bourrasques.

Photo internet: incendie maîtrisé après plusieurs heures de lutte
Ne doutons pas que tristesse et accablement vont très vite laisser la place à une mobilisation générale dans les rangs des anciens élèves, étudiants et professeurs pour élucider les causes de la catastrophe et trouver les moyens d’activer la restauration du bâtiment sinistré.

vendredi 18 janvier 2013

La Dame à La Licorne et le Prince Ottoman


Certaines œuvres attisent l’imagination qui échafaude les hypothèses les plus romanesques sur leur origine pour les auréoler de mystère. Exubérance du décor mille fleurs et d’un bestiaire surprenant, splendeur des vêtements, élégance des personnages, présence d’une licorne, animal fabuleux, ont concouru à l’irrésistible attrait provoqué par celle-ci, emblématique de l’art à la fin du Moyen-âge. 
La thèse retenue aujourd’hui n’a rien d’énigmatique malgré quelques incertitudes. Des études très sérieuses ont permis de retracer l’histoire de cet ensemble de tapisseries médiévales, attribuant à une famille lyonnaise, identifiée par les blasons, et plus particulièrement à Jean IV Le Viste, haut personnage de l’Etat sous Charles VIII, la commande exécutée vers 1480 probablement en Flandre d’après les dessins et cartons réalisés peut-être à Paris.
L’iconographie a fait l’objet de nombreuses interprétations mais, conventionnellement, la représentation allégorique des cinq sens (Le Goût, L’Ouïe, La Vue, L’Odorat, Le Toucher) a été retenue pour désigner les pièces. La sixième, nommée « A mon seul désir » d’après la devise inscrite au fronton du pavillon, est considérée comme une représentation d’un sixième sens, l’intelligence, le cœur ou la volonté permettant de ne pas succomber à l’attraction des autres. 

La vue : la dame tend un miroir à la licorne

Le goût : la dame prend une dragée pour l'offrir à un perroquet 

L'odorat : un singe respire le parfum d'une fleur pendant que la dame tresse une couronne 

L'ouïe : la dame joue de l'orgue 

A mon seul désir

George Sand vit en 1841 ces tapisseries au château de Boussac où elles étaient arrivées au 17e siècle après de successifs héritages, entreposées en très mauvais état et alors propriété de la commune. Elles furent rachetées par la Commission des Monuments Historiques qui confia les négociations au conservateur du musée de Cluny, Edmond du Sommerard, puis transférées à Paris en 1882 et restaurées aux Gobelins. Alors que la femme de lettres mentionne huit panneaux dans son livre "Jeanne", six sont effectivement arrivées à Paris. La série serait-elle incomplète ? Que pouvaient bien représenter les deux autres ?

George Sand fut évidemment conquise par la légende qui circulait à propos de la tapisserie, à une époque où la peinture et la littérature subissaient l’influence de l’orientalisme.
Elle précisait aussi dans son "Journal d'un voyageur pendant la guerre de 1870" que pour trois d’entre eux « La tradition prétend qu'ils ont décoré la tour de Bourganeuf durant la captivité de Zizime ».
En effet, une abondante littérature régionale véhiculait des récits dans lesquelles la fameuse tapisserie était associée à un évènement contemporain à sa réalisation et géographiquement assez compatible. Le département de La Creuse dans le Limousin fut le théâtre des tourments d’un prince turc.
A la mort de Mehmet II (Le Conquérant), ses deux fils se disputèrent sa succession. Cem (Djem ou Zizim en occident) fut vaincu par son aîné Beyazit et acculé à demander asile aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem sur l’île de Rhodes en 1482. Pierre d’Aubusson, grand maître de l’Ordre le fera partir en France en 1484 sous la protection ou plutôt la garde du commandeur Guy de Blanchefort, son neveu, qui fera construire la tour Zizim à Bourganeuf non loin d’Aubusson pour recevoir l’illustre otage. Il y restera en captivité de 1486 à 1488, après avoir été hébergé dans d’autres demeures du Dauphiné et du Limousin, et avant de partir en Italie où il mourra empoisonné à Naples le 24 février 1495.
Le destin tragique de ce prince ottoman enflamma les imaginations fertiles et on lui attribua des histoires galantes avec plusieurs dames durant son périple, dont Philippine de Sassenage dans le Dauphiné et Marie de Blanchefort, nièce de Pierre d’Aubusson, en Limousin. Cette dernière lui aurait inspiré la conception des esquisses de La Dame à La Licorne qui aurait été réalisée par des liciers d’Aubusson. Thèse étayée par des éléments du décor, tente, étendard aux trois croissants de lune, bassin en vue de son baptême et sa conversion au catholicisme par amour pour la belle… qui ne pouvait être que la hiératique dame de la tapisserie.  D’autres versions lui attribuent même le tissage des tentures, aidé de sa suite, pour tromper un mortel ennui ou noyer le chagrin d’un amour sans espoir. Enfin comme le rapporte George Sand, quelques panneaux auraient orné sa geôle…
Il est bien tentant de prêter une oreille complaisante à ces fabuleuses histoires qui nous plongent dans l’atmosphère fantastique du roman courtois épicée aux parfums de l'Orient des Mille et Une Nuits. 




Quels qu’en soient le commanditaire, le dessinateur inspiré, l’habile artisan, les significations cachées ou les personnages qui l’ont contemplé avant nous , La Dame à la Licorne reçoit les visiteurs dans un lieu propice à l’émerveillement, une salle ronde baignée de lumières tamisées de l'Hôtel de Cluny, résidence parisienne des abbés du monastère bourguignon, construit au milieu du 15e siècle dans le style gothique flamboyant, aujourd’hui Musée National du Moyen Âge.

mardi 15 janvier 2013

Aquarelles "Histoires d'eau"


En 2008 j’étais au rendez-vous parisien mais cette année, je serai repartie à Istanbul.


Cengiz Çapanoğlu exposera, (avec Nicole Charton), d’autres images colorées captant les lumières entre France et Turquie, du 4 au 15 février 2013 au Centre d’Animation Maurice Ravel, 6 avenue Maurice Ravel, 75012 Paris.
Ne manquez pas d’aller admirer à ma place ces nouvelles impressions de voyage tout en délicatesse et retrouver l’émotion de la découverte.