lundi 9 décembre 2019

Flâneries dans la rue du Faubourg Saint Antoine, côté pair

Si les magasins spécialisés en mobilier n’ont plus beaucoup pignon sur rue dans le quartier, remplacé peu à peu par d’autres commerces, principalement habillement et restauration, l'artisanat en relation avec la fabrication de meubles reste présent dans les passages et les arrière-cours. Les savoir-faire n’ont pas entièrement disparu. On a pu le constater côté impair et rue de Charonne. Depuis la place de la Bastille, il nous reste à passer sur le trottoir d’en face, côté 12e arrondissement.

Le passage de la Boule Blanche au n°50, doit son nom à la sculpture qui surmonte le porche d’entrée. Un petit facétieux a cru bon de l’orner de deux yeux révulsés et d’un sourire grimaçant. 



Ce passage débouche à son extrémité vers la rue de Charenton.


On retrouve l’organisation fonctionnelle d’immeubles à usage mixte. Activités au rez-de-chaussée et logements en étage. L’ensemble date du 18e siècle mais a été repris et surélevé au 19e.
La porte d’entrée au n°8 est l’illustration d’un exemple, assez rare à Paris, de la concrétisation des notions "d'Art dans tout" et "d'Art pour tous" qui fondent en partie le mouvement de l'Art Nouveau. Cet immeuble ouvrier a bénéficié d’ornements de qualité en grès flammé.


En face on franchit un porche pour découvrir une cour imbriquée dans le passage. Elle est aujourd’hui joliment arborée et semble dédiée au design.




Place aussi à la création contemporaine dans cette élégante boutique.


Ailleurs des vestiges d’une autre époque, petits escaliers en colimaçon, queue de cochon, heurtoir de porte, poternes et vieilles enseignes.  





La cour du Bel-Air au n°54 présente une tout autre configuration héritée d’un passé différent. Un lotissement de six petites maisons sur la rue du faubourg Saint Antoine (entre le n°52 et le n°62 actuels) fut construit au milieu du 17e siècle. 


L’hôtel du Bel Air prit place au cœur de l’ilot avec ses dépendances entre cour et jardin. D’importantes transformations aux 18e et 19e siècles avec implantation d’un chantier de bois, d’ateliers, de boutiques et de nouveaux logements ouvriers, lui ont donné son apparence actuelle. 




L’activité devait être intense à cette époque, mais aujourd’hui le dédale de courettes offre un havre de quiétude aux chanceux riverains. C’est la plus végétalisée et la plus résidentielle du quartier.





Le passage du chantier au n°68 se prolonge jusqu'à la rue de Charenton et offre ainsi un axe de communication transversale important puisqu’il se trouve face à l'embouchure de la rue de Charonne. 


Edifié à partir de 1891 il a conservé son aspect typique d’usage mixte avec activités sur rez-de-chaussée surmonté de plusieurs niveaux de logements. 


On note cependant une curieuse enclave pavée et quelques fantaisies récentes.



Il semble être aujourd’hui un lieu de prédilection pour le Street-Art.



Un peu plus loin, au n°74, la cour des Bourguignons dresse sa cheminée en brique. Plus de détails dans un précédent article consacré aux cheminées industrielles à Paris.


mardi 3 décembre 2019

Rue de Charonne : Passage Lhomme, cours Saint-Joseph et Jacques Viguès

En complément d’une exploration des passages de la rue du Faubourg Saint Antoine, coté impair, une brève incursion dans la rue de Charonne offre deux autres surprises.
Au no5, la cour Saint-Joseph abritait une fabrique de porcelaine au 18e siècle et fut transformée en cour industrielle au 19e siècle. 



Elle se caractérise par une architecture très fonctionnelle qui lui donne un aspect austère.


Détail insolite, elle est percée d’un surprenant porche monumental qui donne accès à la cour Jacques Viguès portant le nom de son ancien propriétaire, un marchand de bois exotiques qui fit construire ces bâtiments en 1860. 


Vers 1900 furent ajoutées deux passerelles en métal riveté reposant sur des poteaux métalliques pour faciliter la circulation entre les deux cotés de la cour au niveau du 1er étage.


Un peu plus loin, au no26 rue de Charonne, le passage Lhomme est nettement plus pittoresque. 



Dans une atmosphère rurale se côtoient encore quelques artisans du bois (un luthier, un chaisier, un spécialiste du vernissage au tampon et de la rénovation de mobilier ancien), et une improbable boutique de jouets/librairie spécialisée dans la bande dessinée qui semble défier le temps.



Dans d’autres anciens ateliers, des nouveaux venus diversifient les activités : cabinet d’architecture, studio de graphisme, agence de production, atelier d’art plastique.


Vestiges d’un autre temps, quelques enseignes métalliques se balancent encore à l’extrémité de leur potence. 



Des escaliers et monte-charges ont traversé les siècles.




A côté du garage abandonné, l’ancienne scierie en brique rouge construite vers 1850 est un témoin fort du passé industriel du quartier. 


Elle abrite parait-il une machine à vapeur. L’étage a été transformé en logement plus récemment. A l’arrière se dresse encore l’une des dernières cheminées à base carrée de Paris.
Une autre plus facilement accessible, est visible dans le Marais.


lundi 2 décembre 2019

Cours et passages, rue du Faubourg Saint Antoine – côté impair

Le 11e arrondissement c’est le Paris de mon enfance et de mon adolescence. Il est toujours mon port d’attache lors de mes séjours parisiens, avec la Place de la Nation pour repaire. Même si depuis quelques années la focale a légèrement glissé en direction de Bastille. Autant dire que la rue du Faubourg Saint Antoine est la colonne vertébrale de mes déplacements encore aujourd’hui. 


Impossible de ne pas constater au fil des ans un changement d’atmosphère, une transformation en profondeur liée à la désindustrialisation du quartier, au départ en masse des ateliers et magasins d’ameublement qui a eu pour conséquence un phénomène que l’on nomme gentrification, éviction des classes populaires par les classes moyennes. Ces dernières se sont installées après rénovation dans les logements existants mais aussi dans d’autres bâtiments dont la construction n’était pas destinée à l’habitation. C’est l’engouement pour les lofts, espaces atypiques qui donnent à leurs occupants l’impression d’échapper à l’embourgeoisement que symbolise un appartement classique.
L’aspect général de la rue n’a pas vraiment été modifié malgré la multiplication des boutiques de vêtements et chaussures. Elle conserve de rares magasins de meubles mais plusieurs enseignes consacrées à la décoration de la maison.
Le shopping n’est cependant pas au programme du jour.
Surprise d’apprendre que l’endroit faisait l’objet de visites guidées, le moment est venu de franchir quelques portails.
Au plus près de chez moi, au 173 rue du Faubourg Saint Antoine, la cour ancienne n’a pas daigné se montrer ce jour la.   
La cour de l’Ours au no 95, se laissa admirer sans grogner. 


La façade du bâtiment sur rue, construit au 18e siècle, porte encore le haut-relief d’un ours sur piédestal. Côté cour, l’enfilade d'ateliers surmontés d’habitations date du 19e et début 20e siècles.


Tout au fond on aperçoit les ruines carbonisées de la prestigieuse peausserie Tassin qui y était installée depuis 1905 et fut la proie d’un incendie en 2015.


Dans l’un des ateliers, une petite boutique-musée en conserve la mémoire et les contacts, dans l’attente d’une reconstruction hypothétique. 


En face, l'ébénisterie Straure affiche un label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant, distinguant les savoir-faire artisanaux.



Au no75, la Cour de l'Etoile d'Or est accessible par une belle porte cochère d’un immeuble construit fin 19e


Mais son histoire est bien plus ancienne. Une maison de maître y est construite vers 1640 comprenant également une cour et un jardin. 



La cour est progressivement utilisée par des artisans travaillant dans l'ameublement. 



Au 18e siècle le jardin disparaît, laissant la place à des écuries et remises constituant une deuxième cour qui accueillera ensuite des ateliers-logements puis en 1882 un grand immeuble-atelier de quatre étages et un bâtiment en surplomb au-dessus du passage cocher.



L’ensemble est verdoyant et coquet. Ne reste plus que l’architecture pour évoquer les activités ouvrières et artisanales de son passé. Ici la reconversion est spectaculaire.

Au no71, ce sont les Shadocks qui nous accueillent dans une jolie cour pavée! 



Leur créateur Jacques Rouxel (1931-2004) habita à cette adresse. La cour fut rénovée en 1998 par l’architecte Didier Drummond qui ajouta quelques éléments en hommage à la série d’animation diffusée à partir de 1968 à la télévision. 



Petit rappel : les personnages des Shadocks sont bêtes et méchants et ont pour principe : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? ». Leurs antagonistes, les Gibis sont gentils et intelligents.

Avant de continuer vers la place de la Bastille on peut faire une brève incursion dans la rue de Charonne pour explorer les cours Saint-Joseph et Jacques Viguès et le passage Lhomme, sujet d’un prochain article.
 
A l’extrémité de la rue du Faubourg Saint Antoine, il n’y a plus qu’à traverser la rue de la Roquette pour trouver la cour Damoye au no12 sur la place, entre deux enseignes de restauration. 


Elle se prolonge jusqu'à la rue Daval offrant quelques instants de calme, brutal mais appréciable contraste avec l’effervescence de la place. 


Elle fut aménagée au 18e siècle par Antoine Pierre Damoye, un quincailler, pour abriter de nombreux ateliers et loger les artisans. 


Les bâtiments les plus anciens se situent de part et d'autre de l'accès rue Daval, et près de l’entrée côté place. On distingue les poutres sur les façades.



D’autres aménagements datent du 19e siècle, comme en témoigne le monte-charge.


Elle a fait l’objet de rénovation en 1990 et abrite un atelier de restauration d’affiches anciennes et un maroquinier. 


Un nouvel atelier de torréfaction de café a récemment ouvert, ambitionnant de perpétuer la réputation de la brûlerie Daval, ouverte en 1945 et fermée depuis peu.


Derrière les façades, cours et passages témoignent d’inéluctables transformations, chacun à leur façon. Des éléments récurrents, mais aussi de la diversité… De quoi battre le pavé une bonne heure car la liste n’est pas exhaustive.
Il y en a d’autres à découvrir côté pair de la rue du Faubourg Saint Antoine.