vendredi 2 novembre 2018

Nemrut Dağ, autre version


Partis d’Adıyaman à 3h tapante, nous arrivons à l’entrée du site une heure et demie plus tard. 


Les cars ne doivent pas être autorisés à pénétrer le parc naturel national qui entoure le mont Nemrut car le groupe a été reparti dans trois minibus peu confortables. La fin du parcours tout en lacets est un peu éprouvante pour les estomacs fragiles !
Au centre d’accueil touristique flambant neuf, nous sommes les premiers arrivés… Largement le temps de boire un café, tandis que les lieux se remplissent à un rythme soutenu. C’est un samedi… l’endroit semble investi d’une foule qui se serait trompée d’adresse en cherchant le centre commercial.
Nous étions une cinquantaine en mai 2002 et ce 13 octobre, plusieurs centaines… Ce qui explique sans doute la nécessité d’arriver tôt sur les lieux.
Une heure plus tard, les navettes pour approcher le tumulus commencent à transporter les visiteurs dans un nuage de gaz d’échappement plutôt malvenu sur ce site censé être protégé ! Au lieu de construire une infrastructure digne d’un hall de gare, il aurait été préférable d’investir dans l’équipement de véhicules électriques !
Sous les faisceaux des lampes torches, la montée à pied jusqu’au sommet se fait en 15mn environ. Ce ne sont plus les marches disloquées d’il y a 15 ans mais des paliers confortables, qui ne suffisent cependant pas à endiguer d’affligeants commentaires en turc, tels que : « quand vont-ils installer un téléphérique ? ». Et le ton n’est pas celui d’une boutade ! Ben voyons, il ne manquerait plus que ça. Pourquoi pas un escalator ?
Lever les yeux sur les quelques étoiles se faufilant entre les nuages nous aidera peut être à conserver un peu de sérénité pour patienter en compagnie des colosses décapités alignés sur le versant Est et que n'éclairent pour le moment qu'une aube timide et les selfies des portables.


Sur la plateforme pyramidale de la terrasse orientale, s’agglutinent les visiteurs emmitouflés. Ils ne semblent pas avoir connaissance de sa fonction première qui n’était pas un podium pour profiter du spectacle, mais un autel réservé au culte des dieux et du roi Antiochos, où se déroulaient les cérémonies sacrificielles… Personne n’a l’air de s’en soucier.


L’attente se prolonge et l’horizon est encore bien sombre du côté du Levant !


Le soleil s’est levé à 6h31, mais pas le moindre petit rayon n’a réussi à percer les nuages. Il a fallu se contenter d’une lumière blafarde pour photographier les vestiges du sanctuaire funéraire d’Antiochos 1er, roi de Commagène qui régna de 62 à 36 avant notre ère et qui, en prévision de son repos éternel, fit surmonter un sommet voisinant naturellement les 2100 m, d’un tumulus d’éclats de pierre de 145 mètres de diamètre et 75 m de hauteur, dans un paysage on ne peut plus dépouillé


Le caprice météorologique n’a en rien diminué notre admiration devant cette ambitieuse construction dont aucun équivalent n’a été trouvé ailleurs concernant cette période antique. Il n’en a pas entamé la solennité de cette démonstration de syncrétisme d’un panthéon gréco-perse, accompagnant le souverain.


Les têtes qui avaient roulé un peu au hasard au moment de leur chute, probablement dès le 2e siècle de notre ère, ont été déplacées et recalées pour un positionnement correspondant à leur personnage assis.
Au centre siège Zeus - Ahura Mazda, le père des dieux. 


Sur sa droite Tyché, déesse de l’abondance, personnifie le royaume de Commagène, avec à son côté Antiochos. 



A la gauche de Zeus – Ahura Mazda, trônent le dieu soleil Apollon – Mithra, et le héros Héraclès – Verethragna symbolisant la force. 


Encadrant symétriquement l’alignement divin, se trouve le couple protecteur aigle et lion.


Le ciel peu clément n’a pas réussi à ternir la dignité de l’originale et grandiose représentation généalogique voulue par le souverain d’un fragile petit royaume coincé entre deux empires (romain et parthe), qui a fait dresser des séries d’orthostates à la mémoire de ses ancêtres paternels perses et maternels macédoniens, revendiquant et affichant ainsi la richesse et la puissance résultant d’une double culture.






La terrasse occidentale, en partie taillée dans la montagne est sensiblement moins vaste. Elle présente la même disposition mais les corps des statues sont disloqués, tandis que les têtes sont plutôt moins endommagées. Aucune présence d’un grand autel n’a été constatée.






Avant d’entamer la descente, on se dit qu’Antiochos a bien fait de placer son tumulus au plus près du ciel… Il a résisté plus de vingt siècles aux agressions de l’histoire et des éléments.  
Les vestiges de sa capitale forteresse, Samosate, fondée dit-on par Samos, l’un de ses ancêtres, (mais peut être plus de 1000 ans plus tôt par les Néo-Hittites ?), sont noyés sous les eaux de l’Euphrate enflé par le barrage Atatürk depuis 30 ans, ancienne ville turque de Samsat comprise. Il parait que quelques artefacts trouvés lors de brèves fouilles sont au musée d’Adıyaman.


Moment nostalgique en croisant en chemin, l’ancienne entrée, beaucoup moins pompeuse que la nouvelle. Je ne me souviens plus du tarif d'alors, mais cette fois l’accès fut gratuit. 


Quant aux autres témoignages de l’existence du royaume de la Commagène, ils sont à voir sur les sites d’Arsameia sur Nymphaios et de Karakuş où nous devons nous rendre dans la foulée...
Déjà vus en 2002, mais qu'un prochain article viendra en raviver le souvenir et en rafraîchir les photos!

2 commentaires:

  1. Un des plus beaux sites du monde, à mon humble avis, d'une majesté à couper le souffle, on n'oublie jamais cette visite qui même des années plus tard, éveille encore une émotion dans la mémoire ...Je remarque d'après vos nouvelles photos qu'il a été balisé, abandonnant ainsi le somptueux et surréaliste désordre d'autrefois mais c'était bien évidemment nécessaire pour préserver ce trésor unique en son genre. Merci pour ces belles photos. Gisèle

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    1. Oui effectivement, les exigences de préservation des sites et leur regain de popularité ont provoqué quelques désillusions au cours de ce périple dans le sud-est anatolien. Mais la richesse de son patrimoine reste un élément décisif pour ne pas regretter le voyage!
      Merci Gisèle pour tous ces commentaires.

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