mardi 30 octobre 2018

Peksimet d’Adıyaman


Après la balade sur l’Euphrate à Halfeti et deux bonnes heures de route plus tard, le car nous dépose, à proximité de la citadelle d’Adıyaman, pour une petite heure de temps libre avant de rejoindre l’hôtel. L’après-midi touche à sa fin et ce n’est plus vraiment le moment de partir explorer une ville dont nous ne connaissons pas grand chose. Le guide, habituellement prodigue en commentaires, nous lâche avec pour seule consigne de se retrouver au même endroit à 18h15.  
Le groupe s’égaille dans plusieurs directions sans grand enthousiasme. Nous en choisissons une au hasard, l’avenue Atatürk, la plus proche.
En chemin nous croiserons de nombreuses boutiques de vente de tabac en gros, production régionale.



Nos pas nous guiderons jusqu’à la mosquée Musalla qui, selon la pancarte à l’entrée, dresse son minaret depuis l’époque des Grands Seldjoukides. (Pour la R12 en stationnement, rien n'est indiqué... Mais elle est en bon état de conservation!)



Et puis nous reviendrons sur nos pas pour faire une halte devant le Özbey fırın d’où s’exhale une odeur sympathique de pain d’épices qui avait déjà chatouillé nos narines à l’aller. 



Intense activité devant le four… 


Les clients font une provision conséquente de peksimet salés ou sucrés tout chaud, parfumés à l’anis vert, avant de rentrer chez eux se reposer de la journée autour d’un verre de thé brûlant.
Ça ne se vend pas à la pièce mais au kilo, car la caractéristique essentielle du peksimet c’est sa très longue conservation sans rassir. 
Le thé et la dégustation c’est cadeau de la maison !


La suite du programme c’est l’installation à l’hôtel en chambre luxueuse du très récent Hilton ! (excusez ma surprise, mais c’est une première pour moi !)


Douche prolongée avant un repas vite expédié au self.
Une courte nuit nous attend. Quel dommage de ne pas pouvoir profiter plus longtemps de ces lits XL confort ! 


Demain, départ à 3h en direction du Nemrut Dağ… Avec l'espoir d'y voir le soleil se lever!



samedi 27 octobre 2018

Sous, et sur les flots de l’Euphrate à Halfeti


Cette excursion n’était pas au programme de ma précédente escapade au sud-est de la Turquie, en 2002. Et pour cause… La mise en eau du barrage de Birecik, l’une des réalisations du GAP (Guneydoğu Anadolu Projesi), n’avait été effective que depuis deux ans. L’antique cité de Zeugma n’était pas la seule à se retrouver les pieds dans l’eau…
La population d’une quarantaine de villages de la vallée avait été évacuée en grande partie, indemnisée ou relogée ailleurs sur les hauteurs. Il fallait un peu de temps pour que la vie se réorganise, que des projets prennent forme, que de nouvelles activités se développent… Que le cœur meurtri d'Halfeti continue de battre.
Les trois-quarts de la petite ville ont été engloutis. La nouvelle Halfeti est à une quinzaine de kilomètres. Mais ici, quelques traditionnelles maisons cubes dont la pierre se fond dans le décor, s’accrochent encore en terrasse et sont habitées.


En bordure des rives actuelles des cafés, des restaurants se sont installés pour accueillir les visiteurs de passage. 


Et puis un afflux providentiel de touristes a même conduit à la construction sur les hauteurs d’un hôtel dont les proportions défigurent le paysage. A ce sujet, le capitaine du bateau sur lequel nous avons embarqué ne lui accordera pas un regard pour le désigner comme le déshonneur d’Halfeti… Les activités touristiques, comme les médailles, ont des revers parfois disgracieux !
Nous voguons sur l’Euphrate, fleuve désormais dilaté, qui a vu défiler tant de civilisations ! Impressionnant théâtre pour ce dernier acte dont témoigne ici la mosquée barbotant dans les flots.



En amont, Savaşan, village aujourd'hui inaccessible autrement que par voie fluviale, ne dresse plus que la partie supérieure d’un minaret. 




Les fenêtres béantes des quelques maisons rescapées semblent contempler d’un regard incrédule l’étendue d’eau responsable de leur abandon. 



Que de souvenirs engloutis ?  Ici le temps s’est arrêté. Plus de passé ni d’avenir, juste un présent rempli de nostalgie pour le dernier habitant qui ne se résigne pas à quitter les lieux.  

Sur l’autre rive, Rumkale couronne la falaise et domine majestueusement le confluent de l’Euphrate et de la rivière Merzimen. 


Cet emplacement stratégique, avait déjà retenu l’attention des Assyriens. Les vestiges de la forteresse proviennent essentiellement de constructions gréco-romaines. Le site a cependant été entretenu et remanié au cours des siècles suivants. Il fut occupé par des seigneurs de guerre byzantins puis arméniens pendant la période médiévale. Au 12e siècle la citadelle fut vendue au catholicos d’Arménie, îlot chrétien en terre musulmane qui resta un centre religieux d’importance pendant près de 150 ans, jusqu'à l’arrivée des Mamelouk qui s’en emparèrent.
Depuis la rive on aperçoit un petit débarcadère et une volée d’escaliers de facture très récente qui conduit au sommet. 


Quelques maisons cubes, nouvellement construites, semble-t-il, occupent l’espace. Un complexe hôtelier avec vue imprenable sur le paysage? Bien dommage…

Tout près des berges, des cavités qui se trouvaient autrefois plus en hauteur sur la colline, exposent au regard les vestiges d’un habitat troglodyte.


Le voyage se poursuit sur le ruban turquoise, au milieu des reliefs arides ourlés çà et là, de quelques flaques de verdure. 



Elles devaient être bien plus étendues autrefois. On imagine des places ombragée, des jardins, des terres fertiles… Que sont devenues les fameuses roses noires d’Halfeti qui ne poussaient qu’ici ? Ont-elles trouvé une terre qui leur convienne sur les pentes de la ville haute ?
Il semblerait que oui. Une essence de cette mystérieuse rose, à la couleur unique au monde, est le seul souvenir du passé d’Halfeti que l’on peut emporter…


vendredi 26 octobre 2018

Les ibis chauves de la réserve de Birecik

Le patrimoine archéologique de la Turquie n’est pas le seul à être exceptionnel. Son patrimoine naturel est doté d’une biodiversité remarquable. Faune et flore y sont abondamment représentées sur un territoire aux reliefs et climats contrastés d’une région à l’autre.
Les oiseaux y trouvent des conditions favorables du fait de l'existence d'immenses surfaces irriguées, fleuves et lacs. Plusieurs couloirs de migration traversent le pays.
J’ai eu l’occasion de vous parler des cigognes que l’on peut voir en Thrace, dans le ciel d’Istanbul ou des côtes égéennes et dont les colonies se portent plutôt bien pour le moment.
L’ibis chauve, lui, fait partie des oiseaux menacés d’extinction.


En 1930, 3000 ibis nichaient sur des parois rocheuses à proximité de Nizip, (à une dizaine de km de Zeugma) dans le sud-est anatolien. Les villageois fêtaient leur retour spectaculaire au printemps.
Dans les années 50 ans l’utilisation intensive de pesticides (DDT) pour protéger les cultures des invasions de sauterelles, avait décimé gravement la population.
Ce centre de protection des ibis a été fondé en 1977.
Je l’avais vu en mai 2002 et les oiseaux nichaient en liberté. On en apercevait quelques uns et la balade le long de la falaise était agréable. Je ne me souviens pas d’avoir vu de cages, mais il en existait déjà, peut être plus discrètes.

Devant le spectacle, affligeant au premier coup d’œil, de cette énorme volière retenant captifs les ibis, la consternation se peint sur nos visages.



Mais près de la barrière qui interdit toute velléité de promenade aux alentours, le spécialiste (Kelaynaci Mustafa) a déjà commencé son exposé.
Et l’on apprend que les oiseaux vivent en pleine nature et en liberté dès mi-février et ne sont soumis au confinement qu’à partir de fin août.  
La migration est devenue pour eux trop hasardeuse. Jusqu’en 1990 on les laissait librement migrer et la plupart s’envolait vers l’Afrique (Érythrée, Éthiopie, Yémen) et vers l’Arabie saoudite mais beaucoup mouraient en route, en traversant la Syrie et la Jordanie (chasse, empoisonnement ou manque de nourriture).
Cette année la, un seul est revenu au début du printemps et depuis, leur migration est contrôlée. Des tentatives sont faites ponctuellement avec un nombre limité d’individus portant des balises. Mais beaucoup n’arrivent jamais à destination et le retour des rescapés n’est pas moins périlleux. En 2010 deux sur cinq sont revenus. Les autres sont morts empoisonnés.
Leur durée de vie est de 25 ans environ et ils ont pour caractéristique d’être monogames et fidèles. Supportant très mal le veuvage, certains se laissent mourir ! Ils couvent 1 à 3 œufs par an.

Actuellement, la colonie compte environ 280 oiseaux dont une quarantaine de jeunes de la dernière couvée. En captivité, ils reçoivent des soins et une nourriture spécifique matin et soir composée d’un mélange de viande rouge, de fromage non salé, de carottes, de graines et d’œufs dur.
En liberté ils s’envolent en groupe sur une dizaine de kilomètres pour piquer de leur long bec recourbé insectes, lézards, sauterelles, fourmis et même serpents et scorpions et glaner quelques céréales au passage.


Le discours de Mustafa est convaincant et l’on espère avec lui qu’un jour pas trop lointain, ces oiseaux et leurs descendants n’auront plus besoin d’être protégés et que cette cage n’aura plus de raison d’être…

D'autres oiseaux peuplent en liberté cette région arrosée par l'Euphrate. 


Et quelques autres spécimens d'une riche faune



jeudi 25 octobre 2018

Le site de Zeugma


Je me souviens de sentiers bucoliques serpentant au milieu des pistachiers, d’un site encore vaguement traumatisé, en mai 2002, par la récente montée des eaux du barrage de Birecik flambant neuf.

Dans l’urgence, les fouilles archéologiques avaient surtout concerné la partie basse du site, appelée à disparaître sous le lac de réservoir, et qui ne représentait qu’un tiers de la cité antique. 
Les spectaculaires trouvailles avaient été évacuées vers le musée archéologique de Gaziantep pour y recevoir les premiers soins attentifs de préservation et restauration. 
Les équipes d’archéologues s’étaient attelées à la prospection les terrasses supérieures et beaucoup de travail restait à accomplir. Ici et là, des zones encerclées de barbelés témoignaient des activités suspendues jusqu’au prochain été.

Plus de 15 années se sont écoulées et suite à la récente visite du musée Zeugma de Gaziantep, je m’attendais à voir des changements…

Et effectivement il y en a… mais pas vraiment ceux que j’espérais !

Le site est noyé dans la poussière de la construction en cours de structures touristiques d'accueil des visiteurs avec guichets, cafétéria et boutique de souvenirs...


Des allées de visites ont été fraîchement pavées mais les pistachiers rescapés ont triste allure. Ils n’ont pas l’air d’apprécier les modifications de leur nouvel environnement.


J’avais vu sur le site internet officiel de Zeugma l’abri de protection devant permettre la préservation et l’exposition in situ des mosaïques et des fresques des villas romaines nommées par les archéologues maisons Danaé et Dionysos, d’après l’iconographie des mosaïques qu’ils y ont trouvée.
Il est bien la et terminé depuis 2010 !


Comment imaginer qu’il serait encore  « temporairement » fermé au public en 2018 ? Et pour quelles raisons ?

Pour les autres chantiers en cours, insuffisamment protégés sans doute, on peut comprendre que des précautions ne soient pas superflues pour prévenir de malveillantes convoitises. Aucun accès à la maison des muses, au tumulus de Karatepe et sa nécropole, ni à l’agora et aux vestiges d’un temple circulaire… Pour les mosaïques, soit... mais pour les blocs de pierre?


La visite s’arrête-la pour aujourd’hui. Circulez, il n’y a toujours rien à voir ! Le relookage n’est pas encore terminé et risque de durer encore longtemps.
A gauche de l’entrée du site, une toiture que je suppose provisoire, couvre d’autres fouilles… Les vestiges d’une autre maison romaine probablement.


Je serais curieuse d’entendre les commentaires des archéologues sur ces interventions environnementales plutôt agressives, et l’inaccessibilité totale de leurs travaux, sous prétexte de léguer aux générations futures un patrimoine culturel aux allures de parc d’attraction…

Déçus, nous repartons vers la prochaine destination, la réserve naturelle des ibis chauves…

De chaque coté de la route, s’alignent à perte de vue, des plantations de pistachiers allégés de leurs fruits déjà récoltés, dont un spécimen au curieux tronc évasé.


 Et des champs de coton, dont certains plants sont encore en fleurs.




mercredi 24 octobre 2018

Dans les rues de Gaziantep


Après la visite du musée Zeugma, une pause-déjeuner était prévue au restaurant Aşina.
Bayram yuvarlama et gavurdağ salatası… 


On a fait l’impasse sur les divers Ali Nazik et autres Kebab.


Il fallait avoir la sagesse de garder une petite place pour le dessert, les incontournables baklavas de chez Koçak !



Inutile de préciser que Gaziantep est une capitale de la gastronomie ! Creuset des saveurs des produits du terroir qu’une diversité culturelle a enrichi au cours des siècles.
La cuisine de Gaziantep a été intégrée au réseau des villes créatives de l’UNESCO en 2015. Un festival international a accueilli des chefs étoilés de renommée mondiale du 20 au 22 septembre 2018.


Dans le quartier Bey Mahallesi, se côtoyait au 19e siècle l’élite ottomane, composée de Turcs et d’Arméniens, avant que ne débutent en avril 1915 de sombres et tragiques événements.  
De superbes maisons familiales en pierre taillée (konak) ont été restaurées. Elles bordent des ruelles étroites et escarpées et constituent un bel ensemble d’architecture traditionnelle.




L’une d’elle, la maison Hasan Süzer a été reconvertie en musée ethnographique. Une autre nous ouvre ses portes.




Des cours intérieures ombragées abritent aujourd’hui de nombreux cafés.


De l’autre coté du boulevard qui borde ce quartier, une église arménienne (Kendirli kilisesi) a été reconvertie en centre culturel « Gazi ». Des traces d’impacts de balles marquent sa façade. 


Cela nous renvoie au passé héroïque d’Antep dont les habitants opposèrent une farouche résistance aux prétentions coloniales de la France et au siège de ses troupes de 1919 à 1921, avant de se rendre en février 1921. C’est l’une des pages de l’histoire de la douloureuse naissance de la Turquie moderne dans le contexte de l'époque. A la fin de cette même année, suite aux accords d’Ankara, les troupes françaises quittèrent la ville.
Plus tard, Atatürk lui accordera le titre de "Gazi" (Gaziantep = Antep la combattante)                      
La partie inférieure de la citadelle a été reconvertie en musée du souvenir.


La citadelle, construite par les Romains, fut rénovée par l'empereur Justinien au 6e siècle, et agrandie par les seldjoukides au 13e siècle.


Aux alentours, on se perd avec délices dans les rues du centre historique, là où se trouvent les caravansérails, les marchés couverts, les boutiques colorées qui abritent l’artisanat traditionnel.



Mobilier en bois marqueté et incrusté de nacre fauteuils, tables, consoles, coffres et accessoires, coffrets, plateaux…



Bakırcılar Çarşısı, royaume des objets en cuivre martelé.


Les yemeni de toutes formes et pointures, chaussures en cuir coloré fabriquées encore sur place.



Et puis les marchés de tout ce qui se mange. Il y a même un musée culinaire (l’unique en Turquie) Emine Göğüş Mutfak Müzesi, que l’on n’a pas eu le temps de visiter…
Les colliers de légumes séchés (aubergines, poivrons, concombres, courgettes) pour confectionner les dolma (farcis) et les variétés de concentrés de poivrons et piments... 



Les étalages d’épices aux effluves de Bazar Egyptien stambouliote, mais aussi quelques curiosités, comme les chips de tarhana à grignoter que je n’avais jamais vu sous cette forme.



Les fruits secs, avec en bonne place les fameuses pistaches !


Et d’autres colliers sucrés… pekmezli cevizli sucuk, noix enfilées et trempées dans une réduction de jus de raisin (mélasse). 



Un délice ! Bien moins sucrés et compacts que ceux qu’on trouve généralement à Istanbul.

L’enseigne Tahmis est réputée pour l’excellence de ses cafés. Une dégustation sur place est vivement conseillée. Classique café turc ou bien une variante préparée avec les fruits du pistachier térébinthe, le menengiç kahvesi.




Il se fait tard…