lundi 22 janvier 2018

Les sépultures lyciennes de Xanthos

En 92 on avait sillonné la côte lycienne pour visiter avec les enfants des sites remarquables, leur faire découvrir un patrimoine exceptionnel.
J’en ai revisité certains (Phaselis, Olympos, Chimaera, Myra, Telmessos…) et foulé récemment d’autres, moins connus, pour la première fois (Kadyanda, Arycanda).
Dans le programme de notre escapade d’octobre 2017 il y avait aussi le site de Xanthos - Létôon que je n’avais pas revu depuis 25 ans… Il était déjà sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988 et faisait depuis les années 50 l’objet de fouilles méticuleuses de missions archéologiques françaises.



Entre temps, elles se sont poursuivies sous la direction du Pr. Jacques des Courtils depuis 1996 et jusqu’en 2011. Elles sont actuellement dirigées par le Pr. Burhan Varkıvanç et ne sont sans doute pas près d’être terminées sachant que, selon l’Unesco, « il représente le plus bel exemple architectural de l’ancienne civilisation lycienne, qui fut l’une des cultures les plus importantes d’Anatolie à l’âge du fer. Les deux sites illustrent brillamment la continuité et le mélange unique des civilisations anatolienne, grecque, romaine et byzantine. C’est aussi à Xanthos-Letoon que furent découverts les textes les plus importants en langue lycienne. »
Auparavant l’explorateur Charles Fellows avait sillonné la Lycie et identifié, entre-autres, le site de Xanthos au cours de ses expéditions entre 1838 et 1843.
On peut comprendre son émerveillement devant ces impressionnants tombeaux richement décorés de sculptures, et son désir de les faire découvrir à ses concitoyens, en les protégeant des dégradations.  Il trouva les arguments convaincants pour obtenir des autorités ottomanes la permission d’emporter bon nombre d’éléments à Londres.
On peut sans peine imaginer toute la difficulté de l’entreprise vu les moyens techniques de l’époque et l’absence d’évaluation des risques encourus. Couvercle brisé, soubassement mutilé, fragments de sculptures abandonnés, c’est ainsi que la tombe de Payava (360 avant notre ère), probablement un personnage de l’élite locale, arriva au British Muséum pour être reconstituée et exposée, ainsi que la quasi intégralité du Monument des Néréides (daté d'environ 380 avant notre ère), tombe en forme de temple grec attribuée au roi Arbinas, dernier de la dynastie harpagide. Élégante construction qui a été la principale source d'inspiration pour le mausolée d'Halicarnasse.

Crédit photographique wikimedia - Monument des Néréides au British Museum

Les bas-reliefs en marbre du pilier des Harpies, supposé être la sépulture du général-roi Kubernis (480 ou 470 avant notre ère), furent aussi embarqués dans les caisses. Ceux que l’on voit sur place au sommet du pilier sont des moulages.



Il est bien évident qu’on déplore aujourd’hui cette désastreuse hémorragie de vestiges monumentaux. Enfermés dans les salles de musée aussi prestigieux soit-il, leur puissance évocatrice s’en trouve bien amoindrie.

Mais sur place et malgré un ciel plutôt chargé, nous avions bien l’intention de prendre tout notre temps pour revoir Xanthos et peut être y découvrir les traces de ce que les fouilles de la mission française ont révélé depuis notre précédent passage, en particulier des soubassements en pierre qui devaient porter des maisons surélevées en bois au 7e siècle avant notre ère.
Des fragments de bas-reliefs, transportés au musée d’Antalya, apporteraient aussi la preuve d’une histoire antérieure à la période de l’occupation perse (de 550 à 334 avant notre ère). Ils auraient une ressemblance avec les orthostates néo-hittites.
N’oublions pas que l’on prête aux Lyciens une parenté avec les Lukkas, mentionnés dans les textes hittites comme un peuple rival contre lequel des expéditions ont été organisées, entre autres, vers la ville Arnawa et que Xanthos était nommée Arnna en lycien. Troublantes coïncidences qui restent encore énigmatiques…   
La balade se limitera à une rapide reconnaissance des spectaculaires tombeaux aux formes aussi variées qu’étranges.
Près du théâtre romain construit au 2e siècle, le pilier des Harpies, daté de -480 environ et à son côté un sarcophage à couvercle ogival perché sur pilier.




Non loin de là, une tombe maison sculptée dans la pierre que l’on suppose directement inspirée du style d’habitat lycien aux structures géométriques en bois.


De l’autre côté de la route qui partage le site on découvre la via Decumanus (axe romain est-ouest) dégagée à partir de 2002.



Plus haut dans la colline on peut voir le sarcophage dit « des danseuses », restauré.



La tombe au bas-relief de lion attaquant un taureau (4e siècle avant notre ère) et quelques autres sarcophages éparpillés.




Nous n’en verrons pas plus aujourd’hui car la pluie commence à tomber drue.
Impossible de grimper jusqu’au pilier funéraire se dressant au sommet, entouré de tombes rupestres. La photo ci-dessous a été prise en 1992.


Inutile d’espérer avoir d’en haut une vue d’ensemble sur le site pour repérer les nouvelles zones de fouilles…
Ce sera pour une autre fois quand nous reviendrons voir le Létoon, centre administratif et cultuel de la Confédération Lycienne, où l'on vénérait Léto, mère d'Apollon et d'Artémis.
Les conditions atmosphériques sont vraiment trop défavorables pour aller s’aventurer dans un lieu déjà bien mouillé par la nappe phréatique. Mieux vaut en garder, pour le moment, le souvenir d’un site magique avec ses colonnes tronquées se reflétant dans les flaques.




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