mardi 19 juillet 2016

Entre deux rives, entre deux tourmentes

Alors qu’en hommage aux victimes de l’effroyable carnage du 14 juillet à Nice, les ponts suspendus au dessus du Bosphore arboraient les couleurs du drapeau français, leur occupation soudaine par des militaires et les files interminables de véhicules immobilisés furent pendant de longues heures les seules images illustrant la tentative de coup d’état en cours le soir du 15 juillet en Turquie et réprimée quelques heures plus tard. 
Depuis les deux pays se sont repliés chacun sur leur drame national, pleurent les morts, soignent les blessés, commentent et dissèquent les tragiques événements pour tenter d'expliquer comment et pourquoi de telles atrocités sont possibles. 
On voudrait comprendre, mais trop de questions restent sans réponses, et beaucoup le resteront probablement encore longtemps. Alors la douleur fait inévitablement place à la colère, et l'agressivité remplace rapidement la stupéfaction et l’accablement.
Il va être bien difficile de garder l'espoir d'un avenir meilleur dans ce contexte haineux et son cortège de représailles, de vengeances. 
Où sont les abris anti-folie meurtrièreOù sont les sorties de secours? 

Dans ces moments troubles, on peut trouver un certain réconfort à la lecture du roman autofiction de Yiğit Bener, Le Revenant, Actes Sud 2015. Il sait de quoi il parle puisque le coup d'état en septembre 1980 l'a profondément marqué et qu'il en tire une philosophie sereine.
Citation:
"Être revenant, c’est l’art de tirer les leçons des coups que l’on a reçus. Une école qui nous purge du vice de l’orgueil.
Le revenant ne peut regarder les orgueilleux obnubilés par le pouvoir autrement qu’avec commisération. Leur existence est bien pathétique. Ils n’ont de cesse d’enfoncer les têtes de leurs subalternes, puis de se fondre en courbettes devant leurs supérieurs : coincés entre la frustration de ne pouvoir surpasser celui d’en haut, et la crainte d’être supplanté par celui d’en bas… Une vie de tourments, en mobilisation générale permanente pour une guerre sans fin, sans vainqueur… Tant de fatigue pour de telles indignités !
Le revenant ne perd pas son temps avec ce genre de pitreries. D’avoir lui-même brusquement perdu tout pouvoir, il a eu la révélation qu’il n’était qu’un minuscule point dans l’univers, de surcroît bien éphémère, et a perçu l’absurdité de la course à un pouvoir si volatil."



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