samedi 18 avril 2015

Les points zéro d’Istanbul

A côté de la tour de niveau d’eau près de la citerne basilique, se dresse un plus modeste pilier de marbre du 4e siècle, appelé le Milion de Constantinople. 


C’est un vestige d'un ancien arc de triomphe depuis lequel on mesurait toutes les distances, point de départ des routes de l’empire romain d’Orient. Le Milliaire d'or de Rome avait la même fonction. La matérialisation d’un point symbolisant la centralisation d’un empire, d’un royaume ou d’un pays se retrouve dans de nombreuses capitales sur tous les continents. (Le point zéro à Paris est sur le parvis de Notre Dame)



Presque tous les touristes s’arrêtent devant le Milion baignant en ce moment dans un parterre de tulipes, pour y lire les explications inscrites sur la borne d’information ou écouter celles de leur guide. Suppléant à sa fonction d’autrefois un poteau placé juste à côté y dessine parfois des ombres cabalistiques (comme sur la photo ci-dessous prise en février). Il est censé indiquer les directions et distances de quelques villes. Certaines flèches ont cependant des orientations un peu fantaisistes !  


Le point zéro des Ottomans est beaucoup moins connu et n’est signalé par aucun panneau. Ce lieu particulier a été déterminé par Mimar Sinan et se matérialise par une colonne de porphyre enchâssée dans un angle du mur d’enceinte du jardin de la mosquée Şehzade


D’après l'historien Süleyman Faruk Göncüoğlu, l’endroit fut choisi par l’architecte pour sa situation au centre géographique de la péninsule historique sur l’axe reliant Sainte Sophie à la mosquée de Fatih élevée pour Mehmet le Conquérant. Ce détail, hautement symbolique pour un sultan, mais beaucoup moins pour un jeune prince défunt, semble confirmer l’hypothèse que le complexe religieux devait être à l’origine une commande impériale du sultan Soliman le Magnifique pour lui-même. La construction venait de commencer quand la mort prématurée et imprévisible de son fils Mehmet en 1543 fit modifier le projet. On éleva ici le türbe du prince. La mosquée et ses dépendances, achevées en 1548, lui furent dédiées. Elle devint le symbole de l’amour parental et au fil des siècles un arbre creux fut l’objet de dévotions, car censé exaucer les vœux de fécondité.


Le sultan commanda une autre construction à Mimar Sinan : le complexe de la Süleymaniye (1550-57) surplombant l’une des 7 collines de la ville. 

Il est à noté que la colonne de porphyre était mobile et avait pour fonction annexe d’indiquer par son immobilisation éventuelle les glissements de terrain ou secousses sismiques susceptibles de menacer l’édifice religieux. Ce système ingénieux fut repris par Mimar Sinan pour la mosquée Kılıç Ali Paşa à Tophane. Les deux petites colonnes de marbre rose de part et d’autre de la porte principale tournent encore sur leur axe.


La colonne de porphyre de la mosquée Şehzade a reçu moins d’égards. Elle est désormais immobilisée par les rehaussements successifs de la chaussée et le revêtement du trottoir. Rares sont ceux qui la remarquent, plus rare encore ceux qui en connaissent l’histoire.





1 commentaire:

  1. Dans la rubrique « le saviez-vous ? » encore une intéressante trouvaille ! Non je n’avais pas remarqué cette colonne de porphyre. Merci pour les explications !

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