lundi 26 janvier 2015

Yenikapı, une station de Marmaray

Depuis octobre 2013 la ligne ferroviaire Marmaray relie les deux rives du Bosphore. Déjà bientôt un an (février 2014) que les correspondances avec les lignes de métro (M1A, M1B et M2) sont en service. Les péripéties des événements furent abondamment relayées par les médias et l’on ne peut les ignorer.


Quai de la station Yenikapı ligne M2
Les détails techniques de ces réalisations hors du commun sont expliqués sur une série de panneaux à la station Marmaray de Yenikapı. 


Impressionnants et instructifs, ils ont pour principal objectif de rassurer les populations sur la fiabilité de la construction. En effet au moment de son inauguration, la chambre des ingénieurs et des architectes (TMMOB) en avait même déconseillé l’emprunt pour des raisons de sécurité. De quoi semer durablement le doute ! De fait, si j’emprunte régulièrement tous les transports en commun stambouliotes, je n’étais pas pressée de tester celui-ci. C’est cependant chose faite depuis peu.
Les appréhensions de franchir le détroit par un tunnel immergé semblent oubliées et de nombreux usagers se pressent sur le quai comme si cette rame n’avait rien de particulier. Elle relie pourtant deux continents et a fait couler presque autant d’encre qu’il ne passe d’eau au dessus !


On se contentera, sans autres commentaires, de quelques chiffres : un tube immergé anti-sismique et résistant aux forts courants marins de 1,4 km de long, sous 55 mètres d'eau et 5 mètres de terre, relié à un tunnel souterrain le prolongeant de chaque côté pour desservir pour le moment cinq stations.

Mon expédition est surtout l’occasion d’écrire quelques mots sur un sujet autrement sensible évoqué par Zeynep Kızıltan, directrice des Musées Archéologiques d’Istanbul, lors d’une conférence à l'Institut français (Ifea) en décembre 2012.  A savoir, le devenir des vestiges révélés dès les premiers coups de pelleteuses en 2004. On s’y attendait, mais à partir du 10 juin 2005, alors que les fouilles devaient prendre fin en août 2005, les trouvailles furent bien plus exceptionnelles que prévu.
La prolongation des fouilles de sauvetage que la mairie du Grand Istanbul s’est trouvée dans l’obligation de financer (sur les chantiers de Sirkeci et Üsküdar également) a donné aux archéologues l’occasion inespérée de travailler huit ans sur un périmètre de très vastes dimensions pour un milieu urbain, et d’y découvrir les traces d’occupations du site depuis plus de huit mille ans, des empreintes de pas fossilisées et sépultures laissées par les hommes du néolithique jusqu’au port de Théodose, supposé disparu, et retrouvé avec 37 épaves et leurs cargaisons. Tous ces témoignages d’un passé lointain sont d’un intérêt inestimable tant pour la connaissance des premiers peuplements du site que pour la compréhension de l’histoire de la marine et des relations commerciales du 5e au 11e siècle de notre ère.
Sur le terrain les tensions entre les acteurs du projet Marmaray et ceux intervenant pour la préservation du patrimoine ont été parfois rudes. Quatre années de retard sur la finalisation du projet initial ont attisé l’exaspération de certains pour qui la transmission d’un patrimoine culturel n’a que peu d’importance. Il y a eu alors de navrants dérapages comme celui évoqué dans les pages du journal Radikal en mai 2013 concernant l’irruption de bulldozers sur des traces néolithiques encore balisées et en cours de fouilles faisant suite à l’annonce en février 2013 de la fermeture précipitée du dernier chantier de fouilles pour cause d’épuisement du budget. Enfin pour d’incompréhensibles raisons des milliers d’objets archéologiques furent mis sous scellés plusieurs mois au risque de dégradations irréversibles.
Le travail in situ des archéologues a donc pris fin depuis bientôt 2 ans mais il est loin d’être terminé. Inventaires, documentations, études, préservations, reconstitutions se poursuivent en laboratoires. Ufuk Kocabaş faisait part en juillet 2010 de son souhait de les ouvrir au public en attendant que les vestiges ou leur copie soient exposés dans un musée.
De quoi alimenter curiosité et impatience que les expositions temporaires du musée archéologique d’Istanbul (Gün Işığında: İstanbul'un 8000 Yılı, de juin 2007 à juin 2010 et Saklı Limandan Hikayeler: Yenikapı’nın Batıkları, de juin à décembre 2013) n’ont que partiellement assouvies.
J’y avais vu en novembre 2007 un spectaculaire étalage de tesson et une reproduction de l’avant-projet dessiné en 1860 par l’ingénieur français, M. Préault en poste à Constantinople, d’un pont tunnel immergé sous le Bosphore.



La mairie d’Istanbul a promis de construire à Yenikapı un archéo-parc pour exposer les trouvailles les plus représentatives. Mais le silence entourant ce projet devient pesant. On peut s’inquiéter à juste titre quand on se souvient d’un autre projet d’envergure, celui de l’arkeolojik parkı de Sultanhamet censé sortir de l’oubli les vestiges du grand palais byzantin, devant ouvrir en 2008 et à l’abandon depuis des années.  

A Yenikapı, plaque tournante du transport urbain, le hall monumental porte le maigre témoignage des exceptionnelles découvertes archéologiques qui furent faites à cet emplacement. Les mosaïques des colonnes, les céramiques murales évoquent des embarcations à voile, des amphores, des peignes, des empreintes de pieds… Quelques installations veulent donner à l’ensemble des allures d’exposition muséale.








De chaque côté du quai de Marmaray des panneaux en céramique reprennent ces thèmes de façon plus colorée dans un pêle-mêle insouciant de chronologie. Leur vocation n’est que décorative.




Quelques rares affiches font sommairement allusion aux fouilles mais rien n’indique que nous en saurons plus dans un proche avenir.



On doit se contenter pour le moment de trois ouvrages illustrés… pas faciles à trouver :  
* Gün Işığında İstanbul'un 8000 Yılı: Marmaray, Metro, Sultanahmet Kazıları
Vehbi Koç Vakfı Yayınları (en turc)
* Saklı Limandan Hikayeler: Yenikapı’nın Batıkları, Zeynep Kızıltan, Gülbahar Baran Çelik, Koç Üniversitesi Yayınları (en turc)
* Fotograflarla kazı günlüğü 2004-2014
İstanbul marmaray metro ulaşım projesi arkeolojik kazıları (en turc et anglais)


lundi 19 janvier 2015

Joan Miró à Istanbul



Si ce n’est déjà fait, il est encore temps d’aller visiter l’exposition « Femmes, Oiseaux, Etoiles » au musée Sakıp Sabancı qui présente, jusqu’au 1er février, 125 œuvres du peintre espagnol catalan sélectionnées parmi ses nombreuses toiles, sculptures, lithographies et céramiques ainsi que ses dessins et réalisations textiles, dans un cadre en harmonie avec ses aspirations artistiques et poétiques que Joan Miró aurait certainement apprécié.


Parcourons les vastes salles pour entrer dans un univers symbolique de taches, de lignes, de signes, de couleurs, de formes, plus proche de la réalité qu’il n’y parait.












A la question « Imaginez qu’on tombe sur vos toiles dans 3000 ans : que souhaiteriez-vous qu’on y lise ? », Miró répondait : « Qu’on comprenne que j’ai aidé à libérer, pas seulement la peinture, mais l’esprit des hommes ».



Joan Miró, « Femmes, Oiseaux, Etoiles », du 23 septembre 2014 au 1er février 2015, Sakıp Sabancı Cad. No:42, Emirgan, Istanbul. Fermé le lundi. Entrée gratuite le mercredi.

mercredi 7 janvier 2015

Indignation et tristesse



En lieu et place des voeux 2015 que je m’apprêtais à publier quand l’inacceptable communiqué est tombé, voici l’invitation que Wolinski m’avait dédicacée lors de l’exposition de ses caricatures à Istanbul en 2010.
Avec l’espoir que les violences les plus odieuses n’arrivent jamais à bâillonner la liberté d’expression ni la tolérance.