vendredi 30 novembre 2012

Hattusa : un siècle de fouilles archéologiques en photos


Le centre culturel de la banque Yapı Kredi, voisin du lycée de Galatasaray, a inauguré en octobre 2012 une rétrospective de 106 années d’archives photographiques réunies par l'institut allemand d'archéologie, concernant les fouilles de la capitale hittite Hattusa et du sanctuaire de Yazılıkaya. (Toutes les photos qui suivent ont été prises depuis les panneaux explicatifs ou vitrines du centre culturel  YKB)



Il devait fermer ses portes aujourd’hui mais certaines sources mentionnent la date du 31 décembre… Prudente, à peine rentrée d’un séjour parisien, j’y suis allée hier, mais les retardataires, amateurs d’archéologie, pourront tenter leur chance encore quelques semaines… A vérifier.


L’intérêt pour cette civilisation longtemps oubliée n’a pas faibli depuis que Charles Texier, à la recherche de l’hypothétique capitale des Galates et cité romaine Tavium, foule en 1834 des ruines qu’il ne peut identifier, à proximité du village actuel de Boğazkale, mais dont il fait les premiers relevés topographiques et croquis. Un autre français, Ernest Chantre, y découvrit en 1894 les premières tablettes d’argile. Ce n’est qu’à partir de 1906 que la photo immortalise l’équipe d'archéologues allemands dirigée par Hugo Winckler, qui entreprend des fouilles planifiées avec l’approbation du fondateur du musée impérial Osman Hamdi Bey et de son conservateur, Theodor Makridi. Il trouve d’autres tablettes d’écriture cunéiforme qui seront déchiffrées quelques années plus tard par le Tchèque Bedřich Hrozný. D’autres expéditions suivront de 1931 à 1940 avec Kurt Bittel et après la guerre jusqu’en 1977, livrant toujours plus d’informations sur cette civilisation disparue.  Peter Neve prendra la relève jusqu’en 1993, puis Jürgen Seeher jusqu’en 2005 et les recherches se poursuivent encore sous la direction d’Andreas Schachner.







L’exposition devrait donner envie de visiter le site d’Hattusa et pour ceux qui le connaissent déjà, c’est un précieux témoignage sur la quête passionnée de nombreux scientifiques et le patient travail d’innombrables mains anonymes qui ont mis à jour ou restauré ces spectaculaires vestiges.

    

samedi 24 novembre 2012

Au pays merveilleux de la fête foraine


Derrière le Village de Bercy, dans d’autres chais du 19e siècle conçus par Viollet-le-Duc, où étaient entreposés les tonneaux de vin et d’eau de vie arrivant par péniches sur la Seine ou par wagons citernes depuis la gare de la Rapée, un bien étrange musée a pris possession des lieux.


A proximité du plus vaste marché vinicole d'Europe qui regroupait toutes les activités liées au commerce du vin, se trouvaient aussi des guinguettes où les artistes et la jeunesse parisienne se réunissaient pour faire la fête.
L’installation dans ces entrepôts réhabilités, de la superbe collection de Jean-Paul Favand, passionné d’art forain, semble donc avoir coulé de source… ou plutôt du tonneau !


Le résultat est saisissant et la visite guidée offre une heure et demie de rêve dans un décor d’une autre époque.  Ambiance feutrée et lumières tamisées contrastent avec l’exubérance des couleurs, des matières et des sons qui claquent, multipliant ainsi le mystère.
Les commentaires de la guide, digne héritière des bonimenteurs, sont d’autant plus captivants qu’ils sont débités dans un mode saccadé rappelant le théâtre de Guignol.
Dans le Musée des Arts Forains, tournez sur les manèges de chevaux de bois ou de vélocipèdes métalliques, aux échos des orgues de foire, limonaires, pianos mécaniques et autres boites à musique aux cartons perforés, en accordéon.




L’univers de la fête est mis en scène pour que le visiteur s’imprègne de la magie de l’illusion en s’essayant aux jeux de chance, de force, d’adresse ou de hasard dans « Le Théâtre du Merveilleux », pour qu’il soit transporté au cœur du carnaval dans le « Salon Vénitien » en embarquant dans les gondoles balançoires sous le regard vigilant des automates.






Le Théâtre de verdure n’est pas moins surprenant avec ses décors insolites et guirlandes végétales. Plus loin, un autre manège, des roulottes, une confiserie ambulante éveillent des souvenirs d’enfance. On sentirait presque encore les effluves de la barbe à papa, des sucres d’orge et de la guimauve enroulée sur des bâtonnets !







Un bel hommage aux forains qui furent à l’aube du 20e siècle des marchands de rêves tout autant que des vulgarisateurs de la science, de la technique et de la modernité.

Les espaces des pavillons de Bercy peuvent être loués pour des réceptions, défilés ou conférences, et ne sont habituellement accessibles aux visites que sur réservation.
Mais ils ouvriront bientôt leurs portes sur ce parc d’attraction pas ordinaire, animé par des musiciens et comédiens à l’occasion des fêtes de fin d’année. Du 26 décembre 2012 au 6 janvier 2013: spectacle éphémère, comme l’était la fête foraine d’autrefois.  

jeudi 15 novembre 2012

Lorsque l'enfant paraît…


L’évènement mérite bien un titre déjà retenu par le poète ou la psychologue !
Elvan est né le 6 novembre et ses parents se sont bien appliqués pour lui trouver ce prénom, qui a pour signification « personnalité haute en couleur ».


Il le porte à merveille et exerce avec beaucoup de charisme son pouvoir de séduction sur un public – encore restreint au cercle familial et amical – qui ne peut que succomber à une irrépressible fascination.
Nous sommes inconditionnellement et sans aucune objectivité en béate admiration devant les petites mains, les petits pieds, le petit nez et tout ce qui constitue normalement un bébé…


Son arrivée nous a fait entrer dans le club des grands-parents et nous inaugurons avec lui des relations avec une autre génération… Tout un programme!


Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l’enfant paraître,
Innocent et joyeux... Victor Hugo

dimanche 4 novembre 2012

Kandilli, sur la rive asiatique du Bosphore


Il était encore temps de profiter de ce dimanche ensoleillé pour aller déguster un palamut grillé (bonite), poisson de saison très apprécié des Stambouliotes.


Chez Suna (Suna’nın yeri) près du petit embarcadère de Kandilli, les tables sont toujours installées sous la tonnelle. Endroit tranquille loin de la foule, on a même pu choisir une table avec vue imprenable sur les flots bleus et sur la forteresse de Rumeli Hisar juste en face.



A cause de la proximité de la mosquée on n’y sert en principe pas d’alcool… mais les longs verres colorés peuvent contenir autre chose que de l’eau ou des jus de fruits. Légère entorse au règlement pour la satisfaction des clients…

On a pris notre temps pour admirer le paysage… et quelques passages de paquebots plus tard, l’endroit s’était considérablement rempli et notre place fut très convoitée…



vendredi 2 novembre 2012

Saveurs crétoises


Pas besoin de parcourir longtemps l’île pour constater l’omniprésence des oliviers et des herbes aromatiques dans un paysage typiquement méditerranéen composé en grande partie de maquis. 



Des kilomètres de vignobles témoignent aussi d’une viticulture abondante. Du vin ou de l’huile étaient déjà contenus dans ces pithoi millénaires.


Pratiquement toute la production d’olive en Crète est réservée à la fabrication d’une huile vierge particulièrement savoureuse qui est consommée dans toute la Grèce et au delà des frontières. 


Ces olives sont d’ailleurs très petites et si on les trouve parfois sur les tables avec un peu de revithosalata (à base de pois chiches), c’est pour la couleur locale de l’accueil.



Même si nous n’avons pas eu le temps de chercher les meilleurs endroits pour déguster de la cuisine crétoise, nos haltes pour se restaurer n’ont pas été décevantes.
Pour notre plus grand bonheur nous avons souvent pu déguster des horta, ces herbes ramassées dans les collines (pissenlit, chicorée sauvage, fenouil, mauve, ortie…), bouillies et simplement arrosées d’un filet de citron et bien sûr d’huile d’olive ou garnissant de délicieux feuilletés.


Un plat de légumes grillés fut apprécié ainsi que les fleurs de courgettes, feuilles de choux et feuilles de vigne farcies à la viande…



Sans prendre le temps d'une photo la délicieuse fricassée de lapin ou les sardines grillées croustillantes ont été englouties, mais je vous laisse admirer l’assiette composée dont les keftedes (boulettes de viande) étaient bien parfumées...


Le zatziki (yaourt égoutté, ail haché et concombre) était partout délicieux !

Une grosse lacune sans doute… nous n’avons pas été tentés par les hohlioi, petits escargots mijotés dans le vinaigre et le romarin…

Le tout a été arrosé suivant l’humeur d’eau de source, de vin ou de bière locale…



De notre périple, une adresse est à retenir pour sa cuisine traditionnelle, l’accueil sympathique et sans chichi de la patronne, le sourire et l’efficacité de la serveuse et les prix très raisonnables: 
Taverne Sokaki, 10 rue Evagelistrias à Hersonissos   


jeudi 1 novembre 2012

Escale crétoise


Cette année en Turquie, une fête religieuse et la fête nationale (29 octobre) se sont succédé pour donner cinq jours fériés et l’occasion de partir ailleurs.
Pourquoi ne pas profiter d’un vol direct entre Istanbul et Héraklion spécialement affrété par la compagnie Aegean Airlines, alors que le plus souvent une escale à Athènes est incontournable pour se rendre en Crète depuis la Turquie.




L’islomanie définie cette attirance irrépressible pour les îles, que certains identifient comme une recherche inconsciente de l’Atlantide engloutie, d’un paradis perdu. Et il y avait quelque chose de ça pour beaucoup de participants à ce voyage… sauf que cette attirance était dirigée vers une île en particulier et explicable par des faits historiques récents.    

La construction de la République turque a laissé des traces douloureuses que les politiciens se sont empressés de faire oublier avec, dit-on parfois, la louable intention de ne pas entretenir les rancœurs pouvant naître des tragédies vécues par tous les peuples réunis pendant des siècles sur le territoire de l’empire ottoman, y compris par les Turcs. Cette amnésie forcée a sans aucun doute conduit à de regrettables malentendus aux conséquences désastreuses.
Depuis quelques années en Turquie, se développent cependant les revendications d’une identité pluraliste ayant pour objectif d’aller vers un avenir apaisé.
Les souvenirs enfouis d’exil imposé ont du attendre une, deux ou trois générations pour oser refaire surface et se débarrasser d’une coupable et inavouable nostalgie.

Héraklion, Agios Titos
Les échanges de population qui ont eu lieu au début du 20e siècle se déclinent aujourd’hui en échanges touristiques et comme des Grecs viennent à Izmir ou Istanbul, des Turcs sont tout aussi curieux de découvrir où ont vécu leurs grands-parents qui pour la plupart ne parlaient que le grec. L’émotion provoquée par ce retour aux sources était palpable.
Le guide Gréco-turc, Dia, ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Les visites des sites minoens ont été réduites au minimum c'est-à-dire à l’incontournable Cnossos dont Sir Arthur John Evans a dirigé les fouilles à partir de 1900 et en identifiera les vestiges comme ceux du palais du mythique roi Minos, né des amours de Zeus et d’Europe. 







Il n’hésitera pas à en faire une reconstitution in situ sujette à de multiples controverses et donnera le qualificatif de minoenne à la civilisation de l’âge de bronze (2700 à 1200 av JC) qu’il découvrit en Crète.  Résidence royale mais aussi centre administratif et religieux, le site présente un agencement de salles, de passages, de porches, de bassins, d’ateliers et d’entrepôts où étaient stockés les énormes pithoi remplis d'huile, de vin et autres denrées alimentaires.





Les amateurs d’archéologie ont du mettre une sourdine à leur frustration de ne pas visiter le musée d’Héraklion (Kandiye) abritant une vaste collection minoenne (en particulier les fresques originales dont on voit les copies à Cnossos), tout autant que les adeptes de randonnées qui avaient envisagé de grandes marches dans les gorges débouchant sur des plages désertes. Une échappée fut cependant réalisée…

Plage de Matala. Dans les années 1970, des hippies du monde entier s’installèrent dans les grottes préhistoriques creusées dans la falaise 
Plage de Kommos
Chapelle sur les hauteurs de la plage de Kommos
Mais cinq jours sont bien insuffisants pour avoir une idée de toutes les beautés de cette île séduisante, sans compter que le 28 octobre est un jour de fête nationale grecque et que la plupart des musées et sites étaient fermés, à l’exception de Gortyne, site gréco-romain, dont l’entrée était gratuite ce jour là.

Gortyne, la basilique byzantine Agios Titos du 6e siècle
Gortyne, l’odéon et les lois gravées sur la pierre  
Gortyne, le mythique platane de Zeus et Europe caché par le feuillage d’un palmier
Gortyne, le temple d’Apollon et le preatorium
Par contre le site minoen de Phaistos n'était pas accessible. On a du se contenter d'une vue d'ensemble.



Nous avons longuement arpenté Rethymnon (Resmo), Khaniá (Hanya), mais aussi Ierapetra et Agios Nikolaos pour combler les attentes fébriles de partir à la rencontre des Crétois (Kritikos en grec et Giritli en turc), de remonter le temps à la recherche de souvenirs, de saveurs, de senteurs, d’expressions que certains gardaient en mémoire, bref de s’imprégner d’un état d’esprit crétois qui réveillait des bribes de récits entendus dans leur enfance. 

Réthymnon, une ruelle
Réthymnon, fontaine Rimondi (1629)
Réthymnon, mosquée Veli Pacha qui abrite aujourd'hui le Musée Goulandris d'Histoire Naturelle et de paléontologie
Réthymnon, mosquée Kara Musa Pacha
Réthymnon
Réthymnon
Les vieux quartiers ont conservé les traces de leurs occupants successifs, Vénitiens et Ottomans et dans le dédale de rues étroites porches et fontaines Renaissance, coupoles et minarets côtoient monastères et chapelles.

Khaniá, marché couvert édifié sur les plans de celui de Marseille (1911) 
Khaniá, l'église Agios Nikolaos entre clocher et minaret
Khaniá, arsenaux vénitiens
Khaniá, mosquée des Janissaires construite en 1645
Khaniá
Ierapetra
Agios Nikolaos
Agios Nikolaos, répétition de la danse folklorique pour la fête nationale
Agios Nikolaos, répétition de la reconstitution d’une lutte minoenne
Agios Nikolaos
Dans le golfe de Mirabello, au village de Plaka, des bateaux-navettes relient fréquemment de nos jours la petite île désertée Spinalonga. Il n'en a pas toujours été ainsi car elle a abrité, dans les murs de sa forteresse vénitienne,  une léproserie de 1903 à 1957. Ses habitants faisaient l'objet d'un strict et tragique isolement. Le roman de Victoria Hislop, L'île des oubliés, raconte ce dramatique épisode. 



Pendant les trajets, Dia n’a pas ménagé ses cordes vocales pour nous remémorer les mythes dont le sol crétois fut le théâtre, à commencer par l’enfance de Zeus caché par sa mère Rhéa dans la grotte du mont Dicté, lieu de culte minoen, ou autre version, dans la grotte du mont Ida (montagne du Psiloritis), lieu de culte romain. Les deux versions s'accordent sur la destination de ces cachettes: protéger Zeus contre son père Cronos, fils d’Ouranos (dieu du ciel) et de Gaïa (déesse de la terre), qui dévorait ses enfants de crainte d’être détrôné. Il y fut nourrit par la chèvre Amalthée dont une des cornes brisée se transforma en corne d’abondance qui ne se vidait jamais…
Zeus revint plus tard en Crète avec la belle Europe, fille du roi de Phénicie, qu’il séduisit et enleva, transformé en taureau. 

Agios Nikolaos, statue représentant le mythique enlèvement
De leur union sous un platane de Gortyne, naquirent Minos et ses deux frères, Rhadamanthe et Sarpédon.
Incollable en mythologie, le guide enchaîna sur la légende du Minotaure, né d’une passion entre Pasiphaé, femme de Minos, et un taureau. Le monstre enfermé dans le labyrinthe construit par Dédale fut tué par Thésée, fils du roi Egée d’Athènes, qui grâce au fil d’Ariane (fille de Minos) pu retrouver la sortie et rentrer à Athènes. Mais il oublia de hisser les voiles blanches pour annoncer sa victoire, ce qui causa le désespoir de son père qui se jeta dans la mer qui porte son nom depuis.
Minos enferma Dédale et son fils Icare dans le Labyrinthe. Pour s'échapper Dédale fabriqua des ailes avec des plumes et de la cire mais Icare, malgré les conseils de son père, s'approcha trop près du soleil et la cire de ses ailes fondit : il tomba dans la mer Egée près d’une île qui porte son nom, Ikaria…
Ce n’est évidemment qu’une version très condensée !

La Crète, très appréciée des dieux l’est aussi des touristes. Comme toutes les destinations du sud, le printemps et l’automne sont à privilégier si l’on veut éviter la foule. Même si le soleil n’est pas toujours au rendez-vous, il n'est jamais absent très longtemps.

Arc en ciel après la pluie sur Héraklion
Silhouette minimaliste d’un araucaria au lever du soleil