Sur la route qui mène
de Kemalpaşa à Torbalı, au col de Karabel (à une dizaine de kms de Kemalpaşa), les
voyageurs attentifs verront, sur le côté gauche, une pancarte discrète indiquant un site historique. Il faudra aller
quelques kms plus loin pour faire demi-tour et ne pas attendre de voir la
pancarte pour s’arrêter.
Une ère de stationnement, une centaine de mètres avant
le panneau, peut avoir été aménagée dans le but d’une visite mais rien ne le
signale à cet endroit.
Quelques marches
d’escalier vous inviteront à vous aventurer un peu plus loin et à suivre le
sentier abrupt à peine débroussaillé sur environ 200m. La grimpette vous
conduira devant un rocher dont la paroi verticale a reçu, il y a 3400 ans, la
trace d’une présence hittite dans la région.
Un bas-relief de
plus de 2 m
de haut représente un personnage typique de l’iconographie hittite, inséré dans
une niche rectangulaire, qui rappelle les représentations observées à Hattusa, Yazılıkaya
et sur d’autres sites anatoliens moins connus (Gavur Kalesi, Tell Açana etc.)
Debout et de
profil, un homme tient un arc dans sa main droite et une lance dans la main
gauche. Il est vêtu d'une tunique et d'un chapeau conique. Entre sa tête et le
fer de la lance, l’inscription en louvite hiéroglyphique, à peine visible à présent,
signifierait d’après J.D. Hawkins :
« Tarkasnawa, roi
de Mira, fils d'Alantalli, roi de Mira... »
D’autres rochers
à proximité portaient eux aussi, parait-il, des vestiges semblables. Sur l’un
d’eux, un personnage était sculpté, sur deux autres des hiéroglyphes. Un
article de Güterbock datant de 1960 y ferait allusion. Mais ils auraient été
irrémédiablement endommagés et perdus lors de l’élargissement de la route entre
1977 et 1982. Ignorance ou négligence, la découverte précède parfois de peu la destruction.
Mon vieux guide bleu (éd. 1974) ne mentionne cependant pas leur
existence, alors qu’il consacre quelques lignes en page 396 à celui que j’ai pu photographier.
Sur place, aucune
explication à propos du bas-relief rescapé n’est visible, ni sur ceux qui
auraient été sacrifiés à la modernisation des voies de communication.
Quelques phrases du catalogue de l’exposition
présentée au Musée d’Aquitaine, Bordeaux, Civilisations oubliées de l’Anatolie Antique, Laurence Cavalier et Jacques des Courtils, 2010, pp 31 et 32, font
cependant allusion au relief de Karabel en ces termes: « A la fin du XVe siècle, les
rois hittites Suppiliuma et Mursili II ont dû guerroyer contre le pays d’Arzawa,
situé sur la côte ouest. Il est question dans les textes hittites de la ville d’Apas
(probablement Ephèse) et du fleuve Séha (le Méandre?). L’archéologie montre que
le site de Milet fut détruit vers la fin du XIVe siècle, ce qu’on peut mettre en
relation avec la conquête de la région par le roi Mursili II commémorée par le
relief de Karabel. »