Entre Istanbul et Paris, ma
valise a dû en contenir, au fil des années, des centaines de kilos. En arrivant
à Roissy, je me garde bien de m’en vanter car un douanier tatillon me demandant
sans surprise si j’avais quelque chose à déclarer, j’avais un jour répondu par
stupide bravade : oui des loukoums. Il a fouillé consciencieusement mes
bagages et a polémiqué longtemps sur la quantité non réglementaire de la
friandise en question.
Mes arguments, famille
nombreuse, amis gourmands, n’arrivaient pas à atténuer son vilain froncement de
sourcils. Il y a apparemment une limite à ne pas dépasser, mais je n’ai pas
réussi à savoir laquelle. Mon chargement paraissait suspect. C’était
trop ! Il s’en est fallu de peu que
mes nombreuses boites soient soumises à taxation ou pire, confisquées, mais
c’était Noël… et la trêve des confiseurs a joué en ma faveur, tandis qu'un regard encore lourd de
suspicion ajoutait : attention la prochaine fois !
Faisant fi d’une éventuelle
accusation de trafic de friandises, je continue d’en faire avant chaque départ
une provision substantielle au marché égyptien.
Les « duble fıstık », tout petits et
l’intérieur abondamment garni de pistaches, ont été longtemps plébiscités et
sont encore accueillis avec enthousiasme. Une variante, enrobée de chocolat a
aussi ses adeptes.
Une période loukoum à la
carotte a été suivie de celle des loukoums grenade et pistaches, coupés aux
ciseaux, … qui se taillent un joli succès !
Une longue tradition de conservation
des fruits par cuisson en marmelade avec ajout de fécule est sans doute à l’origine
du petit cube moelleux emmailloté de sucre glace ou de noix de coco. Il fit la
renommée d’un fabricant de sucreries, venu de la région de Kastamonu, qui
installa en 1777 ses chaudrons et sa boutique (elle existe encore) dans le
quartier de Bahçekapı
(entre Eminönu et Sirkeci). Le fameux Haci Bekir fut même nommé confiseur en
chef à la cour
du sultan Mahmud II. Ses descendants ont perpétué la fabrication et l’ont
enrichie d’innombrables parfums fruités ou épicés. Quelques médailles et
récompenses internationales plus tard, la marque est toujours aujourd’hui
synonyme de qualité, même s’il nous arrive de lui faire des infidélités pour
des productions moins prestigieuses.
Revenons au marché égyptien
pour trouver d’autres gourmandises à base de pulpe ou jus de fruit et fécule qui
n’ont que peu traversé les frontières. Il m’arrive donc de mettre aussi dans ma
valise du pestil, feuille de pâte
d’abricot (kayısı pestili), de mûre (dut pestili), de prune (erik pestili), de raisin blanc ou noir (üzüm pestili), spécialité venant
principalement de la région de Malatya. Plutôt acidulé, sans ajout de sucre, c’est un aliment
diététique. On le consomme tel quel mais aussi comme un sirop une fois réhydraté
dans suffisamment d’eau.
Je transporte aussi parfois du
sucuk aux pistaches ou aux noix, dont
la ficelle au milieu atteste de l’astuce de fabrication. Les fruits secs ont
été enfilés comme des perles, puis trempés dans un mélange de pekmez
(réduction de jus de raisin ou de mûre) miel et fécule avant de faire sécher le
tout. L’origine de la spécialité est revendiquée par plusieurs régions de Beypazarı
à Antakya, en passant par Tokat et Malatya, autant dire qu’elle est connue dans
tout le pays et qu’en hiver surtout, les amateurs y mordent à pleines dents et
mastiquent la denrée résistante et élastique qu’ils n’échangeraient pas pour le
plus moelleux des loukoums.
Rien qu'en regardant les magnifiques photos, j'ai pris un kilo....
RépondreSupprimerTu devrais nous trouver une visite à faire dans une fabrique de loukoum , pour la Passerelle ?
Merci
B.
J'ai reconnu la gourmande anonyme. Pour la visite éventuelle d'une fabrique, je vais tacher d'avoir des infos.
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