lundi 19 décembre 2011

La soupe de tarhana

Cette soupe traditionnellement préparée en Turquie depuis des siècles est sans doute l’ancêtre des soupes déshydratées en sachets, dans une version sans conservateur ni colorant artificiel, sans rehausseur de goût.
On la consomme surtout l’hiver, mais sa fabrication se fait à la fin de l’été pour profiter des légumes gorgés de soleil.

La préparation est à base de farine, sel, yaourt, tomates, oignons, poivrons, ingrédients auquels peuvent s’ajouter d’autres légumes comme des céleris-raves. La pâte doit être bien pétrie. La fermentation la fait gonfler pendant quelques jours et puis on en fait des petites boules aplaties qu’on laisse sécher à l'ombre, dans un endroit sec, chaud et bien ventilé. On les émiette au fur et à mesure du séchage. C’est un travail long et délicat qui requière beaucoup de patience car la quantité est souvent impressionnante. La préparation n’est jamais destinée à une consommation individuelle. Elle fera l’objet d’une large distribution familiale. Il y a presque toujours une grand-mère, une tante, une cousine qui vous fait cadeau d’un bocal, d’un sac de tissu contenant le précieux mélange granuleux, de couleur orangée.


Nous regretterons longtemps celui que nous donnait Tata Ülya. Elle nous a quittés en emportant son secret, une bonne dose de savoir-faire et beaucoup d’amour…

On prépare la soupe en diluant quelques cuillères dans de l’eau froide. Porté à ébullition, le mélange épaissit et devient onctueux. On y rajoute ce que l’on veut, menthe séchée ou croûtons frits avec un peu de piment.
On en trouve aussi de fabrication artisanale sur les marchés et en sachets produits par différentes marques... Mais, faut-il le préciser, la comparaison n'est pas de mise!   

dimanche 18 décembre 2011

Parole perdue, lecture d’un roman

Kayip söz, titre original du roman, est paru en 2007. Une traduction de Valérie Gay-Aksoy a été publiée en avril 2010 aux éditions Phébus.
Oya Baydar est née en 1940. Ancienne élève du Lycée Notre Dame de Sion à Istanbul, elle a connu la prison et l’exil avant de devenir à partir de 1991, un auteur récompensé en Turquie par deux prix littéraires.
Parole perdue, inspiré d’un vécu et d’une profonde réflexion, invite les lecteurs à s’interroger sur l’omniprésence de la violence. Celle des armes mais aussi celle des oppressions qui s’exercent sur un peuple qui revendique la reconnaissance de ses différences, tout autant que celle qu’on exerce sur nos enfants quand ils ne semblent pas vouloir suivre le chemin que l’on avait imaginé pour eux.

« Nous sommes tous l'étranger de quelqu'un » cite l’auteur de Parole perdue.

Il y a toujours ailleurs ou à côté de nous un autre qui n’est pas écouté, dont les différences sont observées avec mépris.
Le néo orientalisme, amalgame d’ignorance et d’idées fausses, n’est pas l’apanage de l’Occident et Oya Baydar met ici en garde ses concitoyens contre le danger d’un regard superficiel et réducteur sur l’Est de leur propre pays.
L’uniformisation des informations ne fait qu’amplifier les malentendus, la confusion, la peur. Percevoir et rendre compte de la diversité, de la complexité des situations, est indispensable pour approcher la réalité, pour tenter de renouer des liens et retrouver une parole perdue.

Par le prisme d’une écriture originale dans laquelle les personnages dialoguent, monologuent ou se font tour à tour narrateurs du récit, Oya Baydar fait apparaitre les différentes facettes composant leur personnalité, tandis qu’au fil des pages les histoires entremêlées se recomposent, les protagonistes reviennent à leur point de départ, mais ils ne sont plus tout à fait les mêmes. Le lecteur non plus.

L’auteur ne prend pas la parole, elle s’applique à la faire retrouver par ceux qui l’ont perdue.

mercredi 14 décembre 2011

Le palais d'Ibrahim Pacha – musée des arts turcs et islamiques

J’avais regretté d’avoir manqué l’exposition temporaire concernant les céramiques d’Iznik présentée du 28 juillet au 31 août 2011 dans l’ancien palais d’Ibrahim Pacha. Mais nos pas ne cessent de nous conduire à intervalle régulier vers le quartier, trop touristique mais toujours magique, de Sultanahmet. En ce moment, les arbres de la place se défeuillent et dévoilent peu à peu d’autres perspectives.


Sur des vestiges de tribunes de l’hippodrome byzantin, un palais fut construit probablement sous le règne de Beyazıt II vers la fin du 15e siècle ou début du 16e siècle. Il fut restauré sur l’ordre de Soliman le magnifique qui offrit la bâtisse à son favori et grand vizir Ibrahim Pacha, époux de la princesse Hatice, sœur du Sultan. Plus tard, il servit de résidence à d’autres grands vizirs puis fut utilisé entre autres comme prison et ambassade.


Le bâtiment de briques et de pierres a pu traverser les siècles et résister aussi bien que possible aux incendies et aux séismes. Il constitue un exemple rare d’architecture civile ottomane, celle-ci ayant généralement été construite en bois. Sa restauration dans la deuxième moitié du 20e siècle dura près de vingt ans.


Il abrite depuis 1983 le musée des Arts Turcs et Islamiques (fermé le lundi) qui se trouvait auparavant dans les bâtiments du complexe de la mosquée Süleymaniye.

La collection de tapis anciens depuis l’époque seldjoukide jusqu’au 17e siècle est particulièrement remarquable.



On peut aussi admirer de superbes calligraphies sur papier ou gravées dans la pierre et le métal, des marqueteries d'art incrustées de nacre, ivoire, écaille et des exemples significatifs de l’art de la céramique depuis les carreaux seldjoukides d’ornements muraux, jusqu’aux pièces produites à Iznik et Kütahya.



La section ethnographique regroupe des évocations de l’art populaire du tissage, des costumes de différentes régions de l'Anatolie, des objets utilisés dans les hammams et en particulier une jolie collection de takunya, socques en bois incrusté de nacre.


samedi 10 décembre 2011

Osman Hamdi Bey et les Américains : une exposition au musée Pera

Le Musée Pera (Fondation Suna et İnan Kıraç) accueille jusqu’au 8 janvier 2012, l’exposition “Osman Hamdi Bey ve Amerikalılar: Arkeoloji, Diplomasi ve Sanat” (Osman Hamdi Bey et les Américains: Archéologie, Diplomatie et Art).



Elle a été précédemment dévoilée aux visiteurs du musée d’archéologie et d’anthropologie de Pennsylvanie et retrace les parcours croisés du fondateur du Musée Impérial d’Istanbul Osman Hamdi Bey (1842-1910), de l’assyriologue Hermann Vollrath Hilprecht (1859-1925) et de l’archéologue-photographe John Henry Haynes (1849-1910).


L’exposition présente des dessins, lettres et carnets de voyage, des photographies et quelques vestiges archéologiques exposés pour la première fois en Turquie, ainsi que deux peintures d’Osman Hamdi Bey qui eut pour maitres Gustave Boulanger (1824-1888) et Jean-Léon Gérome (1824-1904) durant ses études en France.



Elle évoque aussi les relations diplomatiques entre les deux pays durant cette période.
Dès 1883, Osman Hamdi Bey obtint la modification de la loi relative aux antiquités et devint le responsable des fouilles menées sur le territoire. Il fut le principal interlocuteur des américains venus entreprendre des missions archéologiques à cette époque.

Sur ses ordres, la construction du bâtiment principal de l’actuel musée archéologique d’Istanbul avait commencé en 1881 et s’acheva en 1908.

Ces premiers pas dans la prise de conscience de l’existence d’un patrimoine culturel à sauvegarder et dans l’élaboration de mesures de protection n’étaient pas inutiles mais les précautions encore certainement insuffisantes. Sous divers prétextes d’études ou de restaurations, des panneaux de céramique d’Iznik, des statues et vestiges de nombreux sites antiques continuaient de quitter le pays.

Ce sujet sensible est toujours d’actualité. On ne peut ignorer que, sous couvert des missions archéologiques au 19e et début du 20e siècles, Américains et Européens ont rempli leurs musées, et avec quelle mauvaise foi ils refusent encore aujourd’hui d’en restituer les pièces les plus significatives aux pays concernés malgré leurs demandes réitérées.