dimanche 30 octobre 2011

De Kızıltoprak à Moda

Une balade avec "La Passerelle" m’a fait découvrir un parcours où je n’avais jamais mis le pied. La rive asiatique recèle encore bien des charmes et pour les découvrir rien ne vaut qu’être accompagné d'une personne y résidant. Face aux îles, le front de mer offre de longues et belles promenades mais depuis Kızıltoprak ont peut également longer la côte en direction de Moda.


Au niveau de la baie de Kalamış, la rivière aux grenouilles (kurbalıdere) forme un bras de mer où stationnent des bateaux lui donnant des allures de port de plaisance, en plus modeste que la marina de Fenerbahçe. On la contourne pour la traverser en empruntant le pont situé au niveau du stade de Fenerbahçe et ensuite passer dans le Yoğurtcu parkı renové en 2010.


Pas très loin de là, dans le quartier Caferağa, se trouve le musée Barış Manço au No5 de la rue Yusuf Kamil Paşa. C’est l’occasion de découvrir l’une des rares demeures du 19e siècle encore existante et d’un inattendu style victorien. Cette maison fut achetée par Barış Manço en 1984 aux descendants de la famille Vitol qui la firent construire avec quelques autres aujourd’hui détruites.


Si le nom du chanteur populaire disparu en 1999 n’est inconnu de personne, beaucoup ignorent les multiples facettes de sa personnalité. Les différentes pièces de la bâtisse retracent bien entendu ses activités de musicien compositeur et le piano à queue trône en bonne place dans le salon, mais elles sont également le témoignage de sa passion pour les objets dont il a constitué des collections surprenantes. Des meubles de différentes époques glanés chez les antiquaires par Bariş Manço faisaient partie de la décoration en harmonie avec la demeure.




Ses costumes de scène et les célèbres bottes, ses extravagantes bagues, ses cravates, des souvenirs de ses multiples voyages, ses peintures et dessins et bien d’autres objets sont exposés sur les quatre niveaux où a vécu la famille du chanteur. Une pièce est consacrée à la célèbre émission de télévision qu’il animait « Adam olacak çocuk » (l’enfant qui deviendra un homme)

L’étrange salle du sous sol, Şövaliye odası (la salle du chevalier), avait été décorée avec humour se référant aux nombreuses décorations et titres honorifiques reçus en Belgique au Japon et en France.

Dans le jardin d’hiver, les statues des membres du groupe "Kurtalan Express" accueillent les visiteurs. Sur le portail, dans l’allée et le jardin, le chanteur et des personnages de ses chansons ont pris forme : "Super Babaanne" (super Mamy) et l’incontournable "Arkadaşım eşek" (mon ami, l’âne) ainsi que les légumes de la célèbre chanson "Domates, biber, patlıcan".




La Mairie de Kadiköy a œuvré pour continuer de garder vivant le souvenir de Bariş Manço, et la nostalgie est au rendez-vous en grimpant les marches comme des touches de piano, en regardant sur les murs intérieurs les reproductions des partitions de chansons que les enfants devenus grands ne sont pas près d’oublier.

mercredi 26 octobre 2011

Séisme dans la province de Van

La nouvelle tragédie de dimanche dernier, après l’accablement lié à l’impuissance confrontée aux catastrophes naturelles, après le réconfort apporté par les secours, ne peut qu’engendrer la colère.
 
Les images des bâtiments effondrés, aplatis comme des crêpes sur leurs occupants, sont insoutenables. Les constructeurs de ces châteaux de cartes peuvent-ils encore avoir la conscience tranquille ? Leur négligence s’avère une fois de plus bien meurtrière.

Cela ne fera pas revenir ceux qui sont restés sous les décombres, n’apaisera pas la douleur de ceux qui ont survécus mais souhaitons que les coupables ne restent pas impunis.





samedi 22 octobre 2011

La griffe Dice Kayek aux Galeries Lafayette, Haussmann


D’un récent séjour parisien, voici un clin d’œil sur une belle réussite franco-turque qui fait de plus en plus parler d’elle dans le petit monde très fermé de la mode.

Ece Ege est née à Bursa, a étudié à Paris et s’y est installée depuis plusieurs années. Elle a créé sa marque Dice Kayek en association avec sa sœur Ayşe et une amie, Dilara Akay. Depuis 1992 elle a conquis sa place dans l’avant-garde française des créateurs de mode et ses modèles sont appréciés pour la rigueur des formes, les contrastes de matières, la discrète inspiration orientale interprétée avec élégance.

Ses collections de prêt à porter haut de gamme sont de plus en plus remarquées et sont à découvrir jusqu’au 29 octobre au premier étage des Galeries Lafayette Haussmann. La boutique éphémère, espace circulaire réalisé par des architectes stambouliotes met en valeur une sélection des collections automne-hiver 2011/2012.


 
Crédits photographiques : Armelle Boinet

vendredi 21 octobre 2011

Paquebots en escale à Istanbul

Le Bosphore est un élément majeur du paysage stambouliote, mais les habitants d’Istanbul ne sont pas tous logés à la même enseigne. Ils n’ont pas tous, de leur balcon, une vue panoramique sur le détroit ! La fascination qu’il exerce, avec le ballet incessant des vapur reliant les deux rives, le passage des cargos et tankers de toutes tailles, le sillage des bateaux de plaisance ou d’excursions, les pétarades des motör et des barques de pêcheurs, est cependant une sensation bien connue de tous. Certains font le trajet d’une rive à l’autre quotidiennement et tout ce qui flotte sur ces eaux bleues ne les étonnent plus… mais le charme opère toujours… enfin presque…


Ce jour là, fin septembre, pour aller occasionnellement à Kadiköy, j’ai emprunté le vapur en partance de Beşiktaş.




Le Star Princess, pouvant transporter 2600 passagers et 1200 membres d’équipage, barrait l’horizon, réduisant les silhouettes familières d’ordinaire imposantes à des maquettes.

A l’échelle des tours qui dressent leurs dizaines d’étages dans le ciel des quartiers de Maslak, l’énorme paquebot de croisière faisait de l’ombre au palais de Dolmabahçe dont la façade avait bien du mal à se faire remarquer.



Abordé par des navettes qui semblaient minuscules, il déversait un flot de touristes qui allaient déambuler quelques heures dans les quartiers historiques en quête de souvenirs fugaces.



D’autres géants des mers, sans doute moins gros que lui, avaient accostés et masquaient entièrement les quais de Karaköy et leurs entrepôts, y compris celui qui abrite le musée d’art contemporain, Modern Istanbul. Même la tour de Galata n’arrivait que difficilement à dominer la situation !


Mais comment flottent-ils ces monstres ? Ils manquent même de grâce en s’éloignant. Ce n’est sans doute qu’en haute mer qu’ils retrouvent un peu d’élégance…

Pour se reposer les yeux de toute cette blancheur éblouissante, le regard s’est attardé sur la tour de Léandre (kız kulesi) posée sur son rocher à quelques mètres de la rive asiatique. Soulagement de retrouver des proportions plus harmonieuses.



mardi 18 octobre 2011

En juin dans la province d’Hatay – d’Antakya à Payas




A 50km d’Antakya, le col de Belen que l’on appelait les Pyles (ou portes syriennes) permet de franchir le massif Nur dağı (Amanos).
 Au temps des Croisés ce passage était protégé par le château de Gastin dont on aperçoit les vestiges sur un piton rocheux bien avant d’arriver à Belen et connu aujourd’hui sous le nom de Bakras kalesi. Les premières constructions remonteraient à l’époque romaine mais le site fut délaissé par les Ottomans qui ont préféré contrôler le col sur les lieux même du passage. Soliman le Magnifique fit construire un important complexe en 1549. De cette époque on peut encore voir la mosquée, le hammam et le caravansérail récemment restaurés.




15 km plus loin, Iskenderun (Alexandrette) fondée par Alexandre le Grand n’a pas conservé de vestiges significatifs mais connaît actuellement un développement économique important de son industrie sidérurgique et des activités portuaires. Ville résolument moderne, sa façade méditerranéenne est bordée d’une très large avenue ombragée de palmiers et d’une promenade qui rappelle le fameux Kordon d’Izmir.




Pour continuer à remonter le fil de l’histoire il faut parcourir encore 22 km pour arriver à Payas, carrefour d’échanges commerciaux qui caractérisent la région depuis des millénaires. L’impressionnant complexe que fit construire le grand vizir de Soliman le Magnifique, Sokullu Mehmet Pacha, illustre parfaitement la volonté des Ottomans de sécuriser et de faciliter la circulation des marchandises sur la Route de la Soie dans cette région récemment conquise. Caravansérail avec hammam, mosquée, medrese et bazar couvert, l’endroit présentait toutes les commodités pour les voyageurs et les commerçants.








L’architecte en chef de ces imposantes bâtisses terminées en 1574 ne fut autre que Mimar Sinan. Le célèbre voyageur Evliya Çelebi est passé par là au 17e siècle et le précise dans ses carnets de voyage (seyahatname). Une restauration du complexe est actuellement en cours.



La petite histoire dit qu’à cet endroit prospérait une oliveraie. Le plus vieil olivier fut épargné par les bâtisseurs de l’époque. Il trône dans la cour de la mosquée et on l’estime vieux de 1350 ans. Il produit encore annuellement 300 kilos d’olives.



L’autorisation inattendue de grimper l’escalier en colimaçon du minaret a permis d’avoir une vision d’ensemble du site.






La forteresse toute proche entourée d'un fossé faisait office de village fortifié. Construite probablement par les Templiers au 12e siècle, elle a été utilisée comme prison dans les dernières années de l'empire ottoman, après avoir été un refuge pour les pèlerins chrétiens se rendant à Jérusalem, puis des pèlerins musulmans partant à la Mecque. L’entrée d’un souterrain est bien gardée par des massifs de lantanas qui poussent un peu partout à l’intérieur et aux alentours de la forteresse.



A proximité, un pont construit entre 1565-1577 a vu défilé bon nombre de caravanes chargées des marchandises les plus luxueuses…



Une autre construction fortifiée moins imposante se trouve à environ 500m de là sur un tertre près du petit port. A l’origine un poste de guet génois datant du 8e siècle, elle a été reconstruite et utilisée par les Ottomans. Personne ne sait plus pour quelle raison on la nomme encore aujourd’hui Cin Kulesi (la tour des djinns).



Autres temps, autres genres de constructions…




On a pu constater sur le trajet que l’énergie renouvelable n’est pas absente dans la région et que les éoliennes commencent à envahir un paysage qui aurait pu se passer de ces implantations technologiques. Un choix discutable qui fait souvent polémique dans la campagne française mais qui est plutôt bien accepté par les habitants d’ici, fiers du modernisme de leur région. Difficile de critiquer ce point de vue quand on sait que le développement économique de l’est de la Turquie est indispensable et qu’il serait bien égoïste de ne penser qu’à l’esthétique d’un paysage. Le Hatay, que nous allons devoir quitter, nous a d'ailleurs souvent donné pendant ce séjour l'occasion d'admirer ses beautés naturelles.  



jeudi 6 octobre 2011

En juin dans la province d’Hatay – de Samandağ à Antakya

Nous laissons derrière nous l’interminable plage de Samandağ (Çevlik) sans fouler son sable gris que les tortues marines ont élu depuis des millénaires pour pondre leurs œufs. Cette année une éclosion importante a été constatée en août. D’environ 300 nids, 15 milles bébés tortues auraient réussi à rejoindre la mer. Moins fréquentée par les touristes que la plage de Patara vers Antalya, ce site de ponte n’en a pas moins besoin d’être activement protégé et les moyens mis en œuvre sont encore insuffisants d’après les spécialistes.



De retour vers Antakya, un petit crochet vers Şenköy, "le joyeux village", permet de découvrir la mosquée que se fit construire le cheikh Ahmet Kuseyri, à qui le sultan Soliman le Magnifique avait accordé parait-il ce fief, et sa tombe qui se dressent toujours dans le coquet village bien entretenu.



Au 16e siècle le village se nommait Şeyhköy, "le village du cheikh". Il fait aujourd’hui la fierté de son maire qui réquisitionne sans tarder un de ses administrés pour nous guider dans les ruelles, avant de nous offrir un thé sur la place.





La production d’olives est la principale ressource et le savon à l’essence de laurier fabriqué ici est aussi réputé que celui d’Harbiye, notre prochaine étape.


Harbiye c’est l’antique Daphné, ville qui se développa sous la dynastie séleucide autour d’un temple dédié à Apollon et construit au pied des cascades dans une nature luxuriante. D’autres temples honoraient d’autres dieux de l’Olympe et les sources étaient dédiées aux nymphes dont la fameuse Daphné qui, se voyant poursuivie des assiduités d’Apollon, se transforma en laurier (defne en turc) pour lui échapper.

Daphné et Apollon, mosaique exposée au musée d'Antakya

Dans la ville se déroulaient de nombreuses représentations théâtrales et musicales. Un stade accueillait les jeux olympiques. Les riches citoyens d’Antioche, Syriens et Hellènes y résidaient une partie de l’année. Plus tard les Romains agrandir et embellir encore la ville, mais le christianisme se propageant, les temples païens tombèrent en ruines et la ville entama son déclin. Des fouilles menées par les Français dans les années 1930 permirent d’exhumer de magnifiques mosaïques que l’on peut voir au musée d’Antakya… et au musée du Louvre.

C’est aujourd’hui un but de promenade malheureusement envahi de boutiques de souvenirs et de restaurants pas très respectueux du cadre naturel.



Quelques ilots à l’écart de la foule offrent cependant la possibilité d’y apprécier un moment de calme et de fraicheur, parmi les lauriers, les oliviers et les cyprès.


 
On peut aussi dénicher aux alentours une écharpe en soie de fabrication locale, rappelant que le tissage était autrefois une activité importante de la région représentée encore aujourd’hui par quelques entreprises familiales, ou faire l’acquisition d’un panier d’osier, la vannerie gardant une bonne place dans l’artisanat traditionnel.