mardi 27 septembre 2011

En juin dans la province d’Hatay – Antakya (3)

Sur les façades des vieilles maisons d’Antakya, on a vu l'importance des éléments architecturaux à vocation à la fois décorative et utilitaire : petites niches et ouvertures. Sculptés ou découpés dans la pierre, les dessins géométriques ou compositions végétales accrochent le regard. Les représentations d'étoiles sont fréquentes.






Ces décors ont une signification symbolique de protection pour assurer la sérénité dans la demeure familiale. La représentation stylisée d’un oiseau posé à la cime d’un cyprès est un des éléments récurrents. C’est une évocation traditionnelle du paradis dans les cultures orientales.




Avant de sillonner un peu le Hatay, la visite de l’un des tout premiers lieux de culte chrétien, la grotte Saint Pierre installée dans une cavité naturelle au flanc de la montagne Habibi Neccar, nous offre l’occasion de prendre un peu de recul et de contempler Antakya d’en haut.




La façade ajourée, rappelle les éléments architecturaux des demeures anciennes d’Antakya et elle a d’ailleurs été ajoutée au 19e siècle.



Lieu de culte orthodoxe jusqu’au milieu du 19e siècle, il fut offert à l’Eglise catholique par le consul de France d’Alep. Des messes sont occasionnellement célébrées ici par les frères Capucins d’Antioche.

Dans cette grotte les disciples Pierre, Paul et Barnabé auraient réunis les premiers fidèles qui reçurent le nom de « chrétiens » pour désigner leur communauté. Une statue représentant Saint Pierre a été placée dans une niche en 1932.


A gauche au fond de la grotte se trouvait un passage pour fuir les persécutions. On voit actuellement une cavité qui pourrait être l’entrée du souterrain qui n’a pas dû rester secret très longtemps…



Sur la droite une sorte de vasque creusée dans le sol et alimentée par une source est identifiée comme l’un des premiers baptistères. (A suivre...)

vendredi 23 septembre 2011

En juin dans la province d’Hatay – Antakya (2)




Sur la rive droite du fleuve Asi, à flanc de montagne, la vieille ville a été classée site urbain historique mais les propriétaires d’origine ont depuis longtemps abandonné leurs demeures pour s’installer dans les nouvelles constructions des quartiers modernes. Les occupants actuels, souvent issus de l’immigration rurale commencée dans les années 80 sont pour la plupart dans l’impossibilité d’entretenir et de restaurer ces bâtisses impressionnantes qui tombent en ruines.





Un plan de réhabilitation est en cours de réalisation mais la tâche est colossale et les financements insuffisants. De plus, les ouvriers spécialisés capables de mettre en applications les techniques anciennes sont rares. Des tentatives louables sont entreprises parfois au détriment de l’authenticité…






En attendant, une habitante d’Antakya, passionnée d’architecture, nous a guidé et fait ouvrir quelques portes de ces maisons toutes plus belles et délabrées les unes que les autres, laissées à l’abandon ou habitées vaille que vaille.






Elles ont encore fière allure ! Généralement, un couloir mène à une cour intérieure ombragée d’arbres fruitiers, encadrée de bâtiments aux façades élégantes, sobres ou somptueuses.







Dans les pièces, les vestiges des décors laissent imaginer les splendeurs passées, marbres, plafonds ouvragés, boiseries…






Sur les portes étroites ouvrant sur la rue, les heurtoirs (souvent en forme de main) servaient autrefois à signaler si le visiteur était un homme ou une femme selon le nombre de coups portés.




En cheminant dans les ruelles on constate que les lieux de culte des musulmans, des juifs et de différentes communautés chrétiennes se côtoient et que la tolérance n’est pas ici un vain mot. Des croyances différentes n’entament en rien le climat chaleureux d’amitié et de respect qui règne ici. Tous aiment leur ville et ont l’air de s’y sentir bien.


Eglise protestante, fondée en 2000 par un révérend coréen et abritée dans un immeuble d’architecture ottomane, ancien établissement bancaire.
 
Eglise syro-orthodoxe arabophone, Saints-Pierre-et-Paul, construite au 19e siècle.

La mosquée Habib-i Neccar, retiendra l’attention parce que son histoire résume en grande partie celle de la ville et qu’elle abrite le tombeau de l’un des premiers chrétiens et martyr d’Antioche.




Le charpentier Habib aurait été le premier ici à croire aux paroles de St Pierre, apôtre de Jésus venu prêcher dans la région, et ayant réalisé le miracle de guérir son fils grabataire. Il fut décapité sur les flancs du mont qui porte encore son nom et sa tête dévala la pente jusqu’aux ruines d’un temple hellénistique. Une église fut construite sur cet emplacement au 1er siècle. En 636, avec l’arrivée des arabes, au même endroit, une mosquée fut construite pour la première fois en Anatolie. Les Byzantins de retour la transformèrent en église. Elle redevint lieu de culte musulman avec l’occupation des Seldjoukides de 1084 à 1098. Les croisés l’utilisèrent un temps comme église mais l’édifice était en ruine quand 170 années plus tard les Mamelouks arrivèrent à les chasser. Une nouvelle mosquée fut reconstruite en 1268, à peu près celle que l’on voit aujourd’hui. Entretenue par les ottomans depuis leur conquête de la ville en 1517, il lui fut ajouté une école religieuse (medrese). Le minaret date du 17e siècle. Elle a subi une grande restauration au 19e siècle et l’ajout du şadırvan (fontaine d’ablution dans la cour).

La mosquée près du pont, Ulu cami, héritée des Mamelouks, est aussi très ancienne. Elle présente aujourd’hui l’architecture typique des premières mosquées ottomanes.

Tout près de là, sur la place, la dégustation d’une spécialité sera l’occasion de faire une pause. Que diriez-vous d’un künefe de Ferah? La boutique ne paie pas de mine mais le dessert (sorte de vermicelles au fromage et sirop, servi chaud) y est excellent ! L’affluence des clients confirme que c’est la bonne adresse. (A suivre…)



mercredi 21 septembre 2011

En juin dans la province d’Hatay – Antakya (1)



Quand on part pour Antakya, on s’apprête à replonger dans un passé marqué par des siècles d’histoire… mais l’aéroport qui nous accueille n’a rien d’une construction antique ! Inauguré en décembre 2007, son architecture est des plus contemporaines ! La lumière naturelle pénètre à flot dans une structure en courbe largement vitrée. On pose le pied sur le tarmac et en se dirigeant vers la sortie, le regard suit les ondulations de la toiture, curieux d’aller plus loin dans la découverte de la province d’Hatay. Des minibus font la liaison vers Antakya à 19km.





Nous voici en route pour un voyage dans une ville souvent convoitée, Antioche, à l’histoire tourmentée, dans la province la plus cosmopolite de Turquie riche d’un foisonnement de cultures et de peuples, dans une nature généreuse offrant aux regards des paysages méditerranéens bordés de massifs montagneux.



L’actualité se charge de nous rappeler que c’est aussi une région frontalière avec la Syrie et qu’elle accueille depuis plusieurs mois des milliers de refugiés fuyant les violentes répressions exercées par le régime syrien sur les contestataires et la population.



Notre point de chute à Antakya sera la Öğretmen Evi (maison des enseignants). On peut noter que ce genre d’établissement hôtelier existe dans de nombreuses villes de Turquie et que c’est une option d’hébergement à ne pas négliger car elle souvent bien située en centre ville. Elle offre le nécessaire pour un coût modique et est ouverte à tous dans la limite des places disponibles.






Celle-ci est tout à côté d’un lycée qui a la particularité d’avoir été construit dans les années 30 par des architectes français. Une trace parmi d’autres de la période pendant laquelle la ville fut sous administration française entre 1921 et 1939, avant que la province toute entière soit rattachée par référendum à la Turquie le 23 juillet 1939.





Antakya connut à cette époque une réorganisation de l’espace urbain d’une partie de la ville et des fouilles archéologiques furent entreprises à partir de 1932.





Un premier bâtiment du musée qui réunit aujourd’hui une impressionnante collection de mosaïques des époques romaines et byzantines trouvées dans la ville et toute la région, fut construit à cette époque à l’initiative de M. Prost pour y conserver les différentes pièces trouvées. Il ne fut ouvert au public qu’en 1948 et par la suite agrandi dans les années 70.








Outre un remarquable sarcophage typique de l’empire romain d’orient et les superbes mosaïques datant principalement des 2e et 3e siècles qui ornaient les riches villas, d’autres objets sont exposés au musée, en particulier des vestiges assyriens et néo-hittites retrouvés dans la région, sur les sites de tell Açana (Alalakh) et tell Tainat, près de Reyanlı.









Une équipe d’archéologues de l’université de Toronto a retrouvé en juillet 2011 au tell Tainat une statue de lion semblable à ceux déjà exposés formant le socle d’une colonne disparue.






Au cœur de la ville, à deux pas du musée coule le fleuve Asi (l’antique Oronte). Un pont romain construit sous Justinien le traversait. Il fut détruit à la dynamite en 1971 et remplacé par un pont moderne. Des habitants se souviennent encore et regrettent sa disparition malheureusement irréversible. De l’autre côté du fleuve, adossée à la montagne, la vieille ville, ses ruelles et maisons ottomanes, ses églises, synagogues et mosquées méritent qu’on leur consacre au moins une journée. (A suivre…)