samedi 25 décembre 2010

Le guichet de Nimet Abla à Eminönü

Chacun espère l’année 2011 heureuse et prospère…

Pour faire en sorte que ce souhait se réalise, un petit tour du coté d’Eminönü s’impose. Le quartier a la particularité d’abriter un certain point de vente de billets de loterie nationale (milli piyango), réputé pour porter chance ou plus exactement que son ancienne propriétaire, disparue en 1978, était censée apporter. Les clients croyaient depuis 1937 à sa main chanceuse. Pour ne pas faire fuir un sort favorable il était entendu qu’on mettait, sans jeter le moindre coup d’œil au numéro jusqu’au jour du tirage, le billet dans sa poche. Aujourd’hui son neveu a pris la relève et la popularité du lieu ne se dément pas.
A quelques jours du nouvel an, comme chaque fin décembre, la file d’attente devant le très célèbre guichet de Nimet Abla s’allonge irrémédiablement au fil des heures, malgré la multiplication des vendeurs alentour qui essayent de convaincre les passants que leurs billets peuvent aussi apporter la fortune… Si certains restent sobres et classiques, reconnaissables à leur traditionnelle casquette, d’autres misent sur l’originalité !


Les enfants ont vite fait leur choix. Leur préférence va vers cet étrange "Père Noël" en kaftan turquoise, coiffé d’un turban d’opérette couvrant des cheveux grisonnants.
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A-t-il retenu la leçon de l’illustre Nimet Abla qui, bien avant la généralisation du marketing, avait trouvé les méthodes pour motiver et fidéliser sa clientèle. La boite de sucre offerte à tout acheteur, le billet de loterie toujours présenté dans une enveloppe à son effigie, une liste avec adresse des clients pour pouvoir les informer au plus vite quand ils avaient gagné… sans oublier le côté relation publique en ne manquant pas de communiquer aux journaux toutes ses ventes de billets gagnants !
 L’argent ne fait pas le bonheur dit-on mais apparemment nombreux sont ceux qui continuent à penser qu’il y contribue ! Les souhaits pour la nouvelle année reposent sur le tirage du gros lot… ou d’un petit pécule qui serait envoyé du ciel par Nimet Abla.

dimanche 19 décembre 2010

Fragon - Kokina

La vente de fleurs est une traditionnelle activité des Çingene (Gitans) en Turquie et ce fragon qu’ils proposent sous le joli nom de "kokina" m’a remis en mémoire la tragique actualité du quartier de Sulukule. Nous en avons eu de nombreux échos au printemps mais la décision de démolition avait été prise en 2006, au moment de l’élection d’Istanbul Capitale Européenne de la Culture 2010.


Les dernières habitations ont été démolies en avril dernier. Quelques unes seulement ont été épargnées. Mais, victime d’un hypothétique renouvellement urbain, le quartier aura du mal à retrouver son âme tsigane…
Il est vrai que ce quartier rassemblait des situations de grande insalubrité et qu’il était facile d’expulser cette communauté vulnérable aux conditions d’existence souvent précaires, sans véritable identité reconnue. Mais il aurait peut être été possible de trouver une solution moins radicale. Le sort de ceux-là a désormais rejoint celui qu’ils ont dans d’autres pays : un exil à bonne distance des agglomérations… à défaut d’expulsions du territoire. La Turquie n’a pas l’exclusivité en matière de décisions impopulaires.
Curieusement la culture rom, indissociable du paysage culturel stambouliote depuis plus d’un millénaire, ne pesa pas lourd dans la prise de décision de la nécessité impérative de raser Sulukule, ce qui n’empêcha pas le premier ministre d’afficher sa présence en mars 2010 au grand rassemblement festif et musical des Rom qui eut lieu dans l’immense salle de sports Abdi İpekçi à Zeytinburnu.
Originaires de l'Inde, chassés par l’intolérance, ils ont entrepris une longue migration jusqu’en Europe sans revendiquer ni territoire ni souveraineté politique mais uniquement une reconnaissance de leur existence. Certains d’entre eux avaient trouvé refuge dans la capitale de l’empire byzantin. Ils furent ensuite appréciés dans l’empire ottoman, tolérés par la République turque mais l’économie de marché triomphante ne leur laisse plus beaucoup de place. Nomades ou sédentaires, les métiers qui leur sont dévolus sont souvent saisonniers et donc précaires.
Certains ethnologues avancent des chiffres qui mettraient la Turquie au premier rang avec trois millions de Rom, d’autres estiment qu’ils seraient huit cent mille aujourd’hui. Pour faire connaître leur histoire, Elmas et Haluk Arus ont filmé les Tsiganes de Turquie. Dans le documentaire qui a pour titre : « Buçuk », Elmas part à la recherche de ses origines.
Le photographe Matthieu Chazal a lui aussi sillonné le pays sur leurs traces et s’est arrêté quatre mois à Sulukule avant l’arrivée des bulldozers. Ses nombreuses photos ont fait l’objet de plusieurs expositions en 2009 dans le cadre de La Saison de La Turquie en France.
Loin de moi l’idée d’alimenter la polémique, bien inutile maintenant, mais il m’a semblé important de ne pas oublier que ce quartier représentait un témoignage historique de l’installation des Rom dans ce pays, important aussi de ne pas rester dans le mépris ou l’indifférence.

samedi 18 décembre 2010

Fragon dans la forêt de "Belgrad"




















Dans la forêt de Belgrad, j’ai photographié du fragon épineux ou petit-houx, en me disant que ça ferait une couverture convenable pour le numéro hivernal de "La Passerelle".
A l’approche de la nouvelle année nous avons l’habitude de voir les marchandes de fleurs à la sauvette proposer aux passants ces bouquets vert et rouge, couleurs qui rappellent une autre tradition liée spécifiquement au vrai houx qui, étendant miraculeusement ses branches, aurait protégé l’enfant Jésus du roi de Judée, Hérode, voulant massacrer tous les nouveau-nés de la ville de Bethléem pour éliminer celui que les Sages annonçait comme le roi des juifs.

Le fragon, lui aussi épineux, n’a cependant rien à voir avec le houx, sinon la similitude des baies rouges et d’un feuillage persistant qui leur donnent une vocation ornementale au moment des fêtes.
Alors que le houx est toxique, le fragon est reconnu depuis l’antiquité pour les propriétés médicinales de son rhizome, confirmées par des scientifiques contemporains, justifiant son utilisation dans le traitement des troubles veineux et diurétiques. Les botanistes l’appellent ici tavşanmemesi. Les jeunes pousses au printemps sont parait-il comestibles. D’où ma sympathie pour cette plante bienfaitrice… au détriment d’une éventuelle crédulité pour les miracles !
Et en regardant la photo j’ai pensé à ces marchandes de fleurs qui attachent patiemment, avec des bouts de fil, d’autres petites baies rouges aux branches de ce fragon qui lui, semble-t-il, ne sait pas conserver les siennes. (Celles que j’ai photographiées sont authentiques, mais combien de temps vont-elles rester sans se détacher ?)
... A suivre

jeudi 16 décembre 2010

Aşure ou dessert de Noé (Nuh'un tatlısı)


Ce dessert me rappelle immanquablement mon installation en Turquie quand, quelques jours plus tard, une voisine vint sonner à la porte et me tendit gentiment un grand bol rempli d’une substance indéfinissable mais joliment décorée d’éclats de noisettes, de cerneaux de noix et de grains de grenade.
Je fus donc initiée très rapidement à cette tradition du partage de l’aşure, symbole de paix et de respect de l’autre dans sa différence. Je n’ai plus en mémoire le mois exact mais il me semble que c’était au printemps… En effet ce dessert n’est pas lié à une date précise de notre calendrier mais à celle du calendrier musulman, le 10e jour du mois de muharrem, un mois après le 1er jour de la fête du sacrifice.
Pour les Alevis, il commémore l’assassinat à Kerbala du petit fils du prophète Mahomet et le partage d’un plat que pu se confectionner sa famille affamée avec le reste des vivres après 12 jours de jeûne.
Tout aussi chargée de symboles, une autre version évoque un autre prophète, Noé, qui eut pour mission de sauver du déluge toutes les créatures. Son arche s’échoua au sommet du mont Ararat et ses occupants auraient survécu en faisant cuire dans un chaudron tous les aliments qui restaient à bord. C’est l’événement que commémorent avec ce dessert les musulmans sunnites, rejoignant l’anouch abour, préparation culinaire des Arméniens et des Chrétiens d’Orient.

Mais ce jour serait en réalité dix fois sacré par d'autres interventions divines dont les prophètes auraient bénéficié.
Voici donc les autres bonnes raisons de le célébrer:
C’est le jour où Moise suivi de ses disciples pu traverser la mer rouge, s’ouvrant sur leur passage, et se refermant sur ses poursuivants, l’armée du pharaon.
Le jour où Jonas fut sauvé du ventre de la baleine.
Le jour où Dieu accepta le repentir d’Adam puis celui de David.
Le jour de la naissance de Jésus et celui de son élévation au ciel.
Le jour de la naissance d’Ismaël.
Le jour où Joseph fut extrait du puit dans lequel ses frères l’avaient précipité.
Le jour où les yeux de Jacob, aveuglés par les larmes versées sur la perte de son fils Joseph ont revu la lumière.
Le jour où Eyyub fut guéri de ses blessures.
Cette année, pour des millions de ménagères turques, le jour de l’aşure c’est aujourd'hui… et l’on admettra un délai de tolérance jusqu’ à la fin du mois pour les retardataires, car pour préparer l’aşure, il faut du temps !
(Ce dessert est cependant toute l’année dans les vitrines des muhallebici des grandes villes de Turquie.)
On lui consacre généralement la journée, en ayant soin d’avoir mis à tremper la veille, une bonne partie des ingrédients (blé concassé, pois chiches, haricots blancs secs, pignons de pin, amandes, cerneaux de noix, écorces d’orange, raisins de Corinthe (kuş üzümü) ou de Smyrne, figues et abricots secs, cannelle… Chacune garde jalousement les secrets de la recette familiale…
La générosité s’exprime dans l’abondance de la réalisation et le plaisir de la distribution à la famille, aux amis… sans oublier les voisins… Dois-je avouer que, cette année encore, j'ai la faiblesse de compter sur leur prodigalité?

Je suis un peu en retard pour réunir tous les ingrédients!

dimanche 12 décembre 2010

"Pilav" d’hiver à Galatasaray


Pendant que les vieux enfants s’amusent sur le « grand cour » en disputant une rencontre vétérans professionnels contre vétérans amateurs, histoire d’oublier un peu les cruelles déceptions que leur inflige l’équipe officielle, je pars pour une nostalgique promenade dans Beyoğlu… Le ciel s’est dégagé depuis hier mais il fait frisquet…


En face, dans l’ancien bâtiment historique du bureau de poste restauré s’est installé Galatasaray Merkezi, centre culturel si j’en crois l’affiche qui annonce les séances de cinéma. Au programme une rétrospective des films de Reha Erdem (ancien élève du lycée).

L’intérieur semble avoir subi un sérieux lifting et l’immense salle aux grands comptoirs vieillots de bois cirés où j’ai longtemps posté mon courrier à destination de la France, n’est plus qu’un souvenir… Il en reste quand même au moins un avec une petite plaque sur laquelle est inscrit “mektup”…

Un peu plus loin, du même côté, la mythique pâtisserie Inci fait de la résistance, coincée entre les façades galeuses des boutiques qui ont consenti à baisser le rideau. Le lieu a pourtant accueilli des générations de gourmands et de gourmets qui n’auraient pour rien au monde dégusté d’autres profiteroles, d’autres palmiers, d’autres pâtes de coings…



Mais le verdict va tomber en février parait-il (voir le reportage de Nathalie Ritzmann) et Inci risque bien de disparaitre car ailleurs ce ne sera plus pareil… Si Inci devait partir, je ne vois qu’un lieu digne de son prestigieux renom : les locaux de l’historique pâtisserie Markiz aujourd’hui défigurée par les affreuses enseignes d’un banal fastfood.

Saray, le muhalebici de la rue d’Istiklal a bien réussi sa reconversion… Lui aussi a dû s’exiler suite au plan de reconstruction de la bâtisse qui abritera bientôt Virgin. Maintenant de l’autre côté de la rue, ses salons sur quatre niveaux ne désemplissent pas. Il est resté une halte incontournable pour se restaurer sans chichi d’un tavuklu pilav (riz au poulet) ou d’un menemen (genre d’omelette aux tomates et poivrons) … ou combler sans retard une urgente carence en glucides…

Mes préférences vont au kazandibi (fond de la marmite) et au ayva tatlısı (dessert de coings)… mais il y en a bien d’autres et en particulier le fameux aşure, incontournable aujourd’hui !
Kazandibi

Ayva tatlısı

Aşure
Mais on m’attend pour immortaliser la rencontre du jour et je reviens donc sur mes pas avec l’intention de m’attarder un peu dans les jardins du lycée. Si vous voulez me suivre, la visite panoramique est ici.

Sur un banc, un autre genre de rencontre...

Tombeau de Gül Baba
Les joueurs infatigables sont prêts pour la pose ! Score honorable 5-5 match nul ! Tout le monde est content!

Le pilav n’est qu’un des nombreux prétextes pour se retrouver entre « anciens »… Et si on retournait du coté de Saray ?

Un menemen

Un kazandibi saupoudré de canelle?

Ou un aşure?

dimanche 5 décembre 2010

Un plaqueminier dans la rue d'à côté

Dans la rue d'à côté, le plaqueminier a perdu toutes ses feuilles... Sur ses branches dénudées restent encore accrochés, comme des décorations de Noël, ses jolis fruits convoités par les oiseaux. Encore quelques semaines et les kakis seront mûrs pour leur offrir un festin...